Quel projet personnalisé en crèche pour un enfant avec une pathologie chronique ?


Accueillir un enfant atteint d’une pathologie chronique en crèche nécessite une attention particulière et une organisation spécifique. Asthme, diabète, allergies sévères, épilepsie, maladies génétiques… chaque situation implique des besoins propres et des ajustements concrets.
Objectif : éviter les risques de rupture de soins, d’inadaptation du cadre ou d’isolement de l’enfant, tout en assurant un accueil de qualité conforme au référentiel national.
Dans cet article, retrouvez des repères concrets pour construire un projet personnalisé adapté, sécurisant et inclusif en structure petite enfance.
Comprendre la pathologie pour construire un cadre d’accueil ajusté
Avant toute chose, il est essentiel de comprendre les besoins spécifiques de l’enfant au regard de sa pathologie. Cela ne signifie pas devenir expert médical, mais disposer des informations nécessaires pour adapter les pratiques et garantir un accueil sécurisé et bienveillant.
Une étape-clé : le dialogue avec les parents
Les parents sont les premiers interlocuteurs pour expliquer :
- Les effets concrets de la maladie sur le quotidien (fatigue, contraintes alimentaires, soins…)
- Les signaux d’alerte à connaître
- Les habitudes ou stratégies déjà mises en place à la maison.
Ce temps d’écoute est aussi l’occasion de construire un lien de confiance, indispensable pour un accompagnement cohérent.
Une collaboration facilitée avec les professionnels de santé
Selon les cas, la coordination peut inclure :
- Le médecin traitant ou spécialiste
- L’infirmier·ère ou puéricultrice référente de la structure
- Le médecin de PMI ou le médecin de crèche.
Cette coopération permet de définir des gestes autorisés ou interdits, d'anticiper les situations d’urgence et d’adapter l’environnement sans médicaliser l’accueil.
Adapter sans réduire l’enfant à sa pathologie
L’enfant n’est pas “un diabétique”, “un cardiaque” ou “un asthmatique” : c’est avant tout un enfant avec une personnalité, un rythme, des envies.
La compréhension de sa situation médicale est une base, mais elle ne doit jamais occulter son identité globale. C’est cette posture éthique qui permet de construire un projet d’accueil juste, ajusté et humain.
PAI et projet personnalisé : articuler le soin et la vie quotidienne en crèche
Lorsqu’un enfant présente une pathologie chronique nécessitant des soins ou une surveillance particulière, la mise en place d’un protocole d’accueil individualisé (PAI) est une étape incontournable.
Le PAI : un cadre médical et administratif
Le PAI formalise :
- Les traitements à administrer (médicaments, gestes techniques)
- Les conduites à tenir en cas de crise ou d’urgence
- Les aménagements nécessaires à l’accueil (repas adaptés, lieux de repos…).
Il est établi en lien avec :
- La famille
- Le médecin traitant ou spécialiste
- L’équipe de la structure (direction, référent santé ou référent inclusion)
- Le médecin de PMI ou de crèche, le cas échéant.
Ce document a une valeur réglementaire et protège aussi bien l’enfant que les professionnels.
Le projet personnalisé : une dimension plus large que le soin
Si le PAI encadre les aspects médicaux, il ne suffit pas à garantir un accueil global et qualitatif. C’est là qu’intervient le projet personnalisé qui :
- Intègre les spécificités de l’enfant dans tous les temps de vie (accueil, activités, sommeil, repas…),
- Anticipe les situations de groupe (sorties, anniversaires, ateliers…),
- Prévient les risques de stigmatisation ou d’exclusion.
Le projet personnalisé permet donc de mettre en cohérence les adaptations médicales avec un parcours d’accueil inclusif, centré sur le développement, les interactions et l’épanouissement de l’enfant.
Construire un projet personnalisé centré sur l’enfant
Un projet personnalisé réussi ne se limite pas à la prise en compte de la pathologie. Il s’agit avant tout de penser l’accueil d’un enfant dans toute sa singularité, en tenant compte de sa santé, mais aussi de son développement, de ses préférences, de son rythme, et de ses liens sociaux.
Objectif : un parcours de vie ordinaire, avec des ajustements spécifiques
L’enfant doit pouvoir participer à toutes les activités de la crèche dans les mêmes conditions que les autres, chaque fois que c’est possible.
Le projet personnalisé vise à :
- Maintenir la stimulation, la curiosité et le plaisir dans les jeux et les interactions
- Respecter son rythme de fatigue ou de vigilance
- Prendre en compte ses éventuels besoins de retrait ou de repos sans l’isoler
- Garantir son accès aux sorties, aux repas collectifs, aux temps festifs, avec des aménagements si nécessaire.
Construire un regard positif sur l’enfant
Le risque est de voir l’enfant à travers le prisme de sa pathologie. Or, il est important de :
- Valoriser ses compétences et ses envies,
- Lui laisser des espaces d’autonomie, dans la limite du cadre sécurisé,
- Soutenir son estime de soi malgré les restrictions éventuelles.
Exemple concret : un enfant allergique ne doit pas systématiquement être écarté des moments gourmands ; des alternatives peuvent être prévues, et expliquées au groupe pour favoriser une compréhension inclusive.
Travailler l’image de l’enfant auprès des autres
Le projet personnalisé inclut aussi une réflexion sur :
- Comment parler de la situation aux autres enfants ?
- Comment éviter que l’enfant ne soit “à part” dans le groupe ?
- Comment prévenir les regards de pitié ou les exclusions implicites ?
Cela suppose une posture collective, portée par l’équipe, pour garantir que l’enfant ne soit pas “le malade” mais un enfant parmi les autres, avec ses besoins spécifiques et sa pleine place dans la crèche.
Points de vigilance et gestion des risques
L’accueil d’un enfant avec une pathologie chronique engage la responsabilité de la structure sur plusieurs plans. Au-delà de l’intention de bien faire, certaines situations peuvent générer des risques concrets pour la santé, la sécurité et le bien-être de l’enfant, voire pour la stabilité de l’équipe.
Risque 1 : rupture de soins
- Cause : absence de protocole clair, oubli ou erreur dans l’administration d’un traitement, manque d’information de l’équipe.
- Conséquence : aggravation de l’état de santé de l’enfant, voire mise en danger.
- Prévention :
- Sécuriser les pratiques : s'assurer que chacun connaisse le PAI et les conduites à tenir en cas d'urgence (ex. en cas de crise d'épilepsie)
- Identifier un professionnel référent.
- Assurer la transmission et la traçabilité des soins.
Risque 2 : inadaptation du cadre
- Cause : refus, impossibilité d’aménager les espaces, les rythmes ou les activités et manque de connaissances sur les adaptations nécessaires selon les besoins.
- Conséquence : fatigue excessive, inconfort, repli ou comportements perturbateurs de l’enfant.
- Prévention :
- Adapter les temps de repos, les postures d’accueil, les modalités d’activité
- Former l’équipe à l’observation fine des besoins.
Risque 3 : isolement de l’enfant
- Cause : crainte de l’équipe, absence d’alternative adaptée, surprotection involontaire et pression des autres parents.
- Conséquence : marginalisation, exclusion sociale, perte d’estime de soi.
- Prévention :
- Inclure l’enfant dans toutes les dimensions de la vie collective
- Échanger avec les familles sur les marges d’autonomie possibles
- Sensibiliser le groupe d’enfants avec des mots simples et justes.
Risque 4 : surcharge émotionnelle des professionnels
- Cause : peur de mal faire, manque de formation, sentiment d’isolement.
- Conséquence : évitement, tension relationnelle, épuisement.
- Prévention :
- Prévoir des temps de retour sur pratique et d’analyse collective.
- Soutenir l’équipe par la supervision ou l’intervention d’un professionnel ressource.
- Encourager le "passage de relai", le travail en équipe.
Cette vigilance globale s’inscrit dans une logique de prévention des risques, au cœur de la démarche qualité portée par le référentiel.
Travailler en équipe et avec les partenaires : une condition de réussite du projet personnalisé
La qualité de l’accueil d’un enfant atteint de pathologie chronique repose sur une approche coordonnée, à la fois au sein de l’équipe de crèche et avec les partenaires extérieurs. Aucun professionnel ne peut porter seul l’accompagnement d’un enfant à besoins spécifiques.
Identifier un professionnel référent dans l’équipe
- Cette personne connaît le dossier de l’enfant, assure le lien avec la famille, veille à la bonne application du PAI et à la cohérence des pratiques.
- Elle ne se substitue pas à l’équipe, mais constitue un point d’ancrage pour la continuité du projet personnalisé.
Travailler en collectif : partager, ajuster, sécuriser
- Organiser des temps réguliers d’échange autour de la situation de l’enfant
- Favoriser la transmission fluide des informations entre membres de l’équipe
- Encourager l’expression des ressentis pour prévenir l’usure professionnelle ou les incompréhensions, encourager également le "passage de relai" au sein de l'équipe (quand c'est possible).
Coopérer avec les partenaires médicaux et sociaux
Selon les situations, différents acteurs peuvent être sollicités :
- Médecin traitant ou spécialiste
- Infirmier·ère libéral·e ou de PMI
- Médecin de crèche ou médecin de l’Éducation nationale (en cas de passerelle vers l’école)
- Éventuellement une structure médico-sociale ou une plateforme de coordination.
Cette coopération interprofessionnelle permet d’anticiper les évolutions de la pathologie, d’ajuster le projet personnalisé et de construire une transition en douceur vers l’école ou d’autres structures.
S’appuyer sur les outils de la démarche qualité
- Le référentiel national qualité valorise la coordination, la réflexivité, la traçabilité des décisions et le travail d’équipe.
- Le projet d’établissement peut intégrer des principes de bientraitance et d’inclusion dans l’accueil des enfants à besoins spécifiques.
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