Aide-soignant et aide à la prise de médicaments : quelles bonnes pratiques ?


Entre « donner », « distribuer » ou « aider à la prise de médicaments », la frontière est parfois floue pour les professionnels du soin. Pourtant, ces termes renvoient à des actes bien distincts, encadrés par la réglementation.
Où s’arrêtent les compétences de l’aide-soignant ? Quelles sont les responsabilités de l’infirmier qui encadre cette pratique ?
Cet article fait le point sur le cadre légal, les conditions de collaboration entre infirmier et aide-soignant, ainsi que les bonnes pratiques à respecter pour sécuriser chaque étape de la prise médicamenteuse.
Aide à la prise des médicaments : de quoi parle-t-on vraiment ?
Avant de s’interroger sur le rôle de l’aide-soignant, il est essentiel de bien comprendre ce que recouvre la notion d’aide à la prise de médicaments.
Entre “administration”, “distribution” et “aide à la prise”, les termes se ressemblent, mais ils renvoient à des actes bien différents.
Aide à la prise ou administration des médicaments : ne pas confondre
Les textes officiels — notamment l’arrêté du 6 avril 2011 (et le guide de la HAS Outils de sécurisation et d’autoévaluation de l’administration des médicaments) rappellent que l’administration du médicament est un processus global, composé de plusieurs étapes successives :
- Prendre connaissance de la prescription
- Préparer le traitement
- Le distribuer
- Aider à la prise
- Tracer la prise et surveiller les effets.
Ainsi, l’aide à la prise n’est qu’une étape de l’administration. Elle consiste à accompagner concrètement la personne pour qu’elle puisse effectuer les gestes nécessaires à la prise de son traitement : avaler un comprimé, diluer un sachet, appliquer un collyre…
L’aide à la prise : définition et cadre d’intervention
Selon le Code de l’action sociale et des familles (article L.313-26), l’aide à la prise concerne les personnes dont l’autonomie n’est pas suffisante pour prendre seules leur traitement. Elle s’inscrit donc dans un accompagnement des actes de la vie courante.
En pratique, elle ne concerne que les médicaments non injectables, sous réserve qu’ils ne présentent pas de difficulté particulière d’administration ni de risque spécifique (article R.4311-5 du Code de la santé publique).
Il peut s’agir, par exemple, de :
- Comprimés, gélules, sachets ou ampoules buvables
- Collyres, crèmes ou patchs non morphiniques
- Suppositoires ou sprays.
Certaines situations demandent en revanche l’intervention exclusive de l’infirmier :
- Médicament nécessitant un apprentissage particulier
- Traitement à écraser ou gélule à ouvrir
- Prescription conditionnelle (« si besoin ») ou changement de forme galénique.
Qui peut aider à la prise des médicaments et dans quelles conditions ?
Avant d’aider un résident en Ehpad ou un patient à l’hôpital à prendre son traitement, l’aide-soignant doit savoir dans quel cadre il peut intervenir et sous quelle responsabilité.
Un acte sous la responsabilité de l’infirmier
L’article R.4311-4 du Code de la santé publique précise que les actes réalisés par un aide-soignant dans le cadre de la collaboration le sont sous la responsabilité de l’infirmier.
Autrement dit, il ne s’agit pas d’une délégation de compétence, mais d’une collaboration encadrée :
- L’infirmier reste garant de la prescription, de la préparation, de la distribution et du suivi
- Il transmet les instructions nécessaires à la bonne réalisation du soin
- Il s’assure que la nature du médicament et son mode d’administration ne présentent pas de difficulté particulière.
Cette distinction est fondamentale : l’infirmier garde la responsabilité de l’acte, mais l’aide-soignant engage la sienne en cas de faute dans l’exécution (oubli, erreur, non-respect du protocole).
Le rôle de l’aide-soignant
L’aide-soignant (AS) peut participer à l’aide à la prise des médicaments non injectables, à condition :
- d’avoir reçu une formation et une habilitation spécifiques (arrêtés du 10 juin 2021 et du 28 février 2022),
- d’intervenir dans le cadre d’un protocole de soins validé
- et de respecter les consignes données par l’infirmier.
Quelques exemples :
✅ Aide à la prise d’un comprimé de paracétamol prescrit de manière systématique
✅ Pose d’un patch transdermique non morphinique, après formation et validation
🚫 Refusé : broyage de comprimé, ouverture de gélule, administration “si besoin” sans réévaluation, injections.
L’aide-soignant ne prépare jamais les doses à administrer (piluliers, solutions buvables, gouttes) : cette étape relève exclusivement de l’infirmier ou du préparateur en pharmacie.
Responsabilités partagées et conduite à tenir en cas d’incident
Même si l’aide-soignant agit sous la responsabilité de l’infirmier, il reste personnellement responsable de ses actes.
En cas d’erreur (oubli, mauvaise dose, confusion de patient, etc.) :
- Prévenir immédiatement l’infirmier
- Alerter le médecin ou le 15 selon la gravité
- Tracer l’événement dans le dossier de soins
- Compléter une fiche d’événement indésirable.
La transparence et la réactivité permettent de corriger rapidement la situation et de renforcer la culture de sécurité au sein de l’équipe.
Bonnes pratiques pour sécuriser l’aide à la prise
L’aide à la prise des médicaments est un acte du quotidien, mais jamais anodin. Pour éviter les erreurs et garantir la sécurité du résident ou du patient, chaque professionnel doit appliquer des règles précises, tracer ses actions et maintenir une communication fluide avec l’équipe infirmière.
Ces bonnes pratiques, issues des recommandations de la HAS et de l’OMéDIT, contribuent à fiabiliser tout le circuit du médicament.
Les règles incontournables de sécurité
La règle des 5B constitue la base de toute prise médicamenteuse sécurisée :
- Bon patient, Bon médicament, Bonne dose, Bonne voie, Bon moment.
Avant toute aide à la prise, l’aide-soignant doit :
- Vérifier la concordance entre l’identité du résident et celle inscrite sur le pilulier ou le contenant
- Respecter la dose, le moment et la voie d’administration indiqués sur le protocole de soins
- Observer la prise effective du médicament et s’assurer qu’il n’y a pas d’incident (refus, fausse route, oubli).
Enfin, toute aide à la prise doit être tracé dans le dossier de soins, afin de garantir la continuité et la fiabilité de l’information.
Communication et coordination d’équipe
La sécurité du médicament repose sur une collaboration constante entre l’infirmier, l’aide-soignant, le médecin et le pharmacien.
Quelques réflexes à avoir :
- Transmettre sans délai tout incident, effet indésirable ou refus de prise
- Signaler les difficultés d’administration (déglutition, confusion, agitation) pour réévaluation du traitement
- Respecter les consignes écrites du protocole infirmier et les consignes verbales transmises lors des transmissions.
Outils et ressources utiles pour les équipes
Plusieurs outils sont à la disposition des établissements pour renforcer la sécurité de l’aide à prise :
- Parcours d’habilitation à l’aide à la prise (ARS et OMéDIT Ile-de-France)
- Fiche pratique aide à la prise : les bonnes pratiques – établissements de santé médico-sociaux accueillant des personnes en situation de handicap (OMéDIT Ile-de-France)
- Fiche pratique aide à la prise : focus réglementaire – quelles conditions ? quels médicaments ? quels professionnels ? (OMéDIT Ile-de-France)
- Fiche pratique aide à la prise : surveillance – établissements de santé médico-sociaux accueillant des personnes en situation de handicap
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