Les nombreux cas et décès en EHPAD ont fait la une des médias. Quand certains en ont pris pour leur grade, d’autres ont été montrés comme exemplaires. Nous avons souhaité partir à la rencontre de ces soignants, agents hôteliers et logisticiens qui font face au COVID-19.
Au travers de 3 interviews, nous nous intéressons aux mesures mises en place et à la vie en EHPAD dans cette période inédite. Concrètement, personnels et résidents, comment ont-ils vécu et vivent-ils encore aujourd’hui l’épidémie de coronavirus ?
Pour cette 3ème et dernière interview, direction la Résidence Les Orchidées de Roubaix. Elle accueille 80 résidents, accompagnés par un personnel de 62 ETP.
Tout comme lors de nos 1ère et 2ème interviews, le directeur de l’établissement, Mathieu Schell, nous raconte l’organisation déployée pour faire face au COVID-19, que l’EHPAD a malheureusement rencontré.
Quelle est la situation actuelle dans votre EHPAD ?
Fin avril, nous avions organisé un espace de visites protégé, accessible depuis l’extérieur par les familles. Le nombre de personnes était limité à 2, la durée à 20 minutes. C’était frustrant et difficile pour les familles. Elles ne voyaient leur proche que très peu souvent et pendant très peu de temps. Seuls 6 créneaux de visite étaient organisés chaque jour. Alors forcément, nous devions mettre en place un roulement.
Nous avons progressivement assoupli les règles de visite, en passant à 30 minutes par créneaux.
Assez rapidement, début juin, nous avons de nouveau autorisé les visites en studio, sur des créneaux de 40 minutes.
Nous n’avons pas mis en place de circuit particulier. Par contre, nous avons établi une organisation de sorte qu'il n’y ait aucun croisement entre les familles, les résidents et le personnel.
Le 19 juin, nous avons rouvert complètement les visites, sans restriction. Bien sûr, tout en veillant au respect des gestes barrières pour lutter contre le COVID-19.
Pour cela, les familles ont reçu une charte de « bonne conduite » qui précise ces mesures. Nous insistons sur l’importance de porter un masque chirurgical et de se laver les mains dès l’entrée dans l’établissement. À ce moment également, les visiteurs signent un registre et un membre du personnel prend systématiquement leur température.
Nous restons vigilants quant au respect des mesures par les familles, et aux chassés-croisés qui pourraient survenir.
Quelles mesures ont été prises pour éviter la propagation du COVID-19 ?
Nous avons dû faire face au virus. 4 résidents ont été contaminés fin mars, 2 sont décédés. Ce fut très douloureux pour les familles. Et aussi pour le personnel.
Nous pensons qu’ils ont été atteints au tout début du confinement, alors que nous n’avions pas encore de masques. Nous ne savons pas si le virus a été transmis par un proche, un résident qui sortait de l’établissement ou par un collaborateur. Et nous ne le saurons jamais.
Rapidement, nous avons testé les résidents. 3 autres se sont avérés positifs au COVID-19.
Plusieurs membres du personnel se sont portés volontaires pour organiser un secteur COVID-19. L’IDEC et le médecin coordonnateur ont ainsi pris en charge ces personnes, à l’écart des autres.
C’est arrivé alors que nous n’avions pas encore à disposition des masques. On pense qu’ils ont fait toute la différence par la suite.
Nous avons débloqué les masques d’un stock « Plan Bleu », pour les professionnels de l’EHPAD. Nous pouvions tenir 15 jours. En croisant les doigts : aurait-on des masques de l’ARS par la suite ?
Au début du confinement, nous avons suivi les recommandations. Nous avons réduit progressivement les visites, tant des familles que des professionnels extérieurs, pour anticiper la fermeture complète. Et ainsi éviter une rupture sociale trop brutale pour les résidents. Les visites étaient limitées aux seuls besoins urgents.
Nous avons adapté les activités, de façon individuelle, pour les résidents atteints de troubles cognitifs, qui ont un grand besoin d’échanges.
Malheureusement, ceux confinés dans leur studio ont connu une longue période sans activité.
Côté personnel, nous avons renforcé les équipes en cuisine pour assurer les repas en studio, aux règles d’hygiène bien plus strictes. De même pour les équipes dans les étages, pour permettre le suivi de chaque résident et les désinfections.
Comment les résidents ont-ils vécu le confinement ?
C’est avec beaucoup d’interrogations que le confinement a débuté. Les résidents de l’EHPAD trouvaient que c’était un peu excessif.
Mais, au fur et à mesure, et notamment avec les médias (qui étaient loin d’être rassurant), ils ont compris. Ils ont mesuré le risque.
À partir de ce moment, certains, angoissés, regardaient les chaînes d’informations en continu.
Pour plusieurs résidents, cette période a été synonyme de souffrance, puisque loin de leurs proches.
Cependant, ils ont pu garder le lien avec leurs familles via Skype. De plus, nous avons opté pour la solution Famileo, pour que les familles puissent donner des nouvelles.
Les familles ont-elles acceptées ces mesures ?
Au début du confinement, lors de l’annonce de fermeture de l’EHPAD, certaines d’entre elles trouvaient également ces mesures excessives. C’était compliqué pour elles de couper les liens. C’était difficile à entendre.
De plus, entre les communiqués du gouvernement et la mise en place effective, il y a souvent un gap. Il faut du temps pour que chaque ARS transmette ces recommandations et que chaque établissement se dote des moyens nécessaires pour s’organiser. Parfois, les familles ne comprenaient pas ce temps d’adaptation. Parfois même, elles étaient informées avant nous.
C’était très frustrant, tant pour elles que pour nous.
Mais, progressivement, elles ont aussi compris. Et, elles ont été bienveillantes à l’égard de l’équipe.
Nous avons reçu beaucoup de soutiens et d’encouragements de leur part. D’ailleurs, nous en recevons toujours.
Chaque soir, je leur envoyais un mail pour les tenir informées de la vie de l’EHPAD, pour leur donner des nouvelles de leurs proches.
Aujourd’hui, la difficulté est le maintien du port du masque. Comme partout, nous observons un gros relâchement, notamment avec les épisodes de chaleur. Cela nous inquiète, d’autant plus s’il y a un nouveau pic d’épidémie de COVID-19. Nous restons toujours vigilants quant au respect des gestes barrières.