La restauration en établissement pour les personnes âgées joue un rôle central dans la qualité de vie des résidents.
Au-delà de l’aspect nutritionnel, elle participe au plaisir, au lien social et au rythme du quotidien. Pour l’améliorer, de nombreuses structures ont déjà mis en place des actions simples, concrètes et efficaces.
En s’appuyant sur un document de référence*, cet article propose 7 actions concrètes pour transformer la restauration en établissement. Prêt à changer de regard sur la restauration en résidence autonomie ou en Ehpad ? C’est parti !
*Recueil d’actions pour l’amélioration de l’alimentation en établissements hébergeant des personnes âgées”, publié par le Ministère de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt et le Ministère des Affaires Sociales et de la Santé.
1. Impliquer les résidents dans leur alimentation
Pour que le repas reste un moment de plaisir, il doit aussi redevenir un espace d’expression et d’autonomie pour les personnes âgées. Et cela commence par leur donner une vraie place dans le processus alimentaire.
Redonner du sens au repas
Dans de nombreux EHPAD, le repas est vécu comme un moment subi : plats imposés, horaires figés, rituels standardisés. Résultat ? Une baisse de l’appétit, une frustration croissante, et parfois une dénutrition évitable.
À l’inverse, lorsque le résident retrouve un rôle actif dans le choix, la préparation ou même le service des repas, le rapport à l’alimentation se transforme. Il ne s’agit plus seulement de se nourrir, mais de retrouver des repères, du plaisir et un rôle social.
Des actions concrètes à mettre en place
- Fiches de goûts et d’habitudes alimentaires personnalisées à l’entrée (et révisées régulièrement) pour prendre en compte les préférences, les aversions, les habitudes culturelles ou religieuses.
- Participation à la conception des menus, via des commissions ou des temps d’échange réguliers : les résidents ont souvent une mémoire culinaire très riche à partager.
- Ateliers cuisine intergénérationnels, où les résidents préparent eux-mêmes un plat ou un goûter avec des enfants d’école ou des proches.
- Jardinage en potager ou sur table : même ceux qui ne cuisinent pas aiment voir pousser les légumes qu’ils retrouveront ensuite dans leur assiette.
- Service en salle ou décoration de table, pour celles et ceux qui souhaitent s’impliquer autrement.
Ces gestes peuvent sembler simples, mais ils ont un impact majeur sur l’appétit, la confiance en soi et la qualité de vie des résidents.
Ce qu’en disent les professionnels
“Quand les résidents participent à la préparation ou à la décoration, ils mangent plus, ils parlent plus, et surtout… ils sourient.”
— Responsable d’animation, EHPAD du Limousin
“Un résident qui transmet une recette à l’équipe de cuisine retrouve une part de lui-même. C’est un moment de reconnaissance.”
— Diététicienne, centre hospitalier
2. Créer un environnement favorable au repas
Même le meilleur plat du monde perd son attrait s’il est servi dans un cadre bruyant, impersonnel ou mal adapté. L’environnement joue un rôle décisif dans la perception du repas, surtout en établissement où le cadre devient le quotidien.
Le lieu compte autant que le contenu
Le cadre du repas est une composante clé de l’expérience alimentaire. L’aménagement de la salle à manger, la lumière, les odeurs, les couleurs… tout concourt à créer une ambiance qui peut encourager ou freiner l’appétit.
En établissement, où les résidents passent parfois 100 % de leurs repas dans la même pièce, chaque détail compte. Les structures les plus engagées l’ont bien compris : mieux manger commence aussi par mieux recevoir.
Des leviers simples et efficaces
- Organiser la salle en petites unités conviviales plutôt qu’en réfectoire. 4 à 6 personnes par table favorisent les échanges, réduisent le bruit et apportent une touche « comme à la maison ».
- Travailler la décoration : nappes colorées, fleurs de saison, sets de table personnalisés… Chaque élément peut rappeler un univers connu et rassurant.
- Soigner le dressage des assiettes : on mange d’abord avec les yeux ! Même en texture modifiée, un plat peut être joliment présenté avec des poches à douille, des cercles ou un simple jeu de couleurs.
- Jouer avec les ambiances sonores et olfactives : une musique douce, une odeur de cuisine qui s’échappe, un café fraîchement moulu peuvent éveiller les sens.
- Adapter le mobilier : tables à bonne hauteur, chaises confortables, assiettes à rebord, couverts ergonomiques… Pour qu’aucune contrainte physique ne vienne nuire au plaisir de manger.
Ce qu’en disent les professionnels
“Depuis que nous avons installé des nappes et mis des plantes en salle, les résidents arrivent plus détendus. Et ils mangent mieux, tout simplement.”
— Aide-hôtelière, EHPAD public
“Le bruit était un vrai problème. On a installé des panneaux acoustiques et baissé la lumière : l’ambiance s’est tout de suite adoucie.”
— Cadre de santé
3. Améliorer la qualité des repas servis
En Ehpad, le repas est l’un des rares plaisirs encore pleinement accessibles à tous. Mais pour qu’il joue vraiment son rôle de soutien au moral, à la santé et à l’autonomie, il faut que ce soit bon, varié… et adapté.
La qualité ne se limite pas aux apports nutritionnels : elle passe aussi par le goût, la texture, la température, la présentation, et surtout, la capacité à susciter l’envie.
Des principes simples mais essentiels
- Varier les menus tout en respectant les repères : alternance de saveurs, de couleurs, de textures, en tenant compte des saisons, des traditions et des préférences locales.
- Limiter les régimes restrictifs : sauf indication médicale forte, de nombreux régimes (sans sel, sans sucre, etc.) peuvent être assouplis, voire supprimés. Mieux vaut un plat mangé avec plaisir qu’un repas laissé en plan.
- Proposer des plats maison dès que possible : ils sont plus appétissants, souvent plus équilibrés et bien mieux acceptés. Même en liaison froide, on peut retravailler l’assemblage, les sauces, les textures pour donner du sens au repas.
- Soigner la dégustation en sortie de production : ce petit rituel permet d’ajuster l’assaisonnement, d’anticiper les refus et de mobiliser les équipes cuisine autour du plaisir gustatif.
Parole de professionnelle
“Nous avons supprimé les régimes systématiques. Résultat : moins de gâchis, plus d’assiettes vides, et des résidents ravis.”
— Diététicienne, établissement mutualiste
La texture modifiée : un défi de créativité
Les textures adaptées (mixé, haché, mouliné) sont souvent synonymes de plat peu appétissant. Et pourtant, des établissements montrent qu’il est possible de redonner de la dignité et du plaisir à ces repas :
- Utiliser des poches à douille pour redessiner les formes (étoiles de purée, quenelles de carottes…).
- Séparer les éléments au lieu de tout mixer ensemble (viande, légumes, féculents).
- Appliquer le principe de “cuisine déstructurée” pour une reconstitution visuelle fidèle.
- Ajouter un filet de sauce, une herbe, une touche de couleur pour stimuler l’envie.
Parole de professionnel
“Quand on présente un hachis parmentier mixé avec soin, les résidents nous remercient. Pour eux, ça change tout.”
— Cuisinier, EHPAD associatif
Qualité perçue = qualité vécue
Il ne suffit pas de bien cuisiner, encore faut-il que cela se voie et se ressente. L’acte de servir, la température des plats, le ton employé par les soignants… tout contribue à la perception globale.
La qualité des repas repose donc sur un triptyque : produit – présentation – posture.
4. Adapter la restauration aux capacités des résidents
Chaque résident est unique. Certains mangent seuls avec plaisir, d’autres ont besoin d’aide, de temps, ou d’adaptations spécifiques.
En établissement pour personnes âgées, l’alimentation ne peut pas être “uniforme” : elle doit s’ajuster aux capacités physiques, cognitives et sensorielles de chacun.
L’objectif : que tous puissent manger avec autonomie et dignité, quel que soit leur état de santé.
Une approche individualisée, pas standardisée
- Troubles de la déglutition ? Opter pour des textures sécurisées sans sacrifier le goût ni l’esthétique.
- Perte de mobilité ? Proposer du manger-main : des aliments adaptés à la préhension pour éviter l’aide systématique.
- Troubles cognitifs ? Créer des repères visuels, simplifier les couverts, éviter les plateaux trop chargés.
- Troubles visuels ? Assiettes contrastées, bonne luminosité, accompagnement adapté.
Dans tous les cas, le choix ne doit jamais disparaître. Un résident qui a peu de force ou de repères reste une personne avec des préférences, des envies, une histoire.
Parole de professionnel
“Une dame ne mangeait presque plus. On a testé les portions « finger food » à base de ses plats favoris. Elle s’est remise à manger.”
— Aide-soignante, unité Alzheimer
La formation des professionnels
L’aide au repas est un acte de soin à part entière. Trop souvent réalisée dans l’urgence, elle mérite d’être revalorisée :
- Former les équipes à l’accompagnement bienveillant et à l’observation fine des signes (fatigue, douleurs, appétit).
- Respecter le rythme de chacun : un repas peut durer une heure. Ce temps n’est pas “perdu”, il est précieux.
- Instaurer des rituels rassurants : une boisson chaude, une serviette familière, un fond musical doux…
Adapter, c’est aussi prévenir
L’ajustement ne doit pas venir seulement en réponse à une dégradation, mais aussi comme levier de prévention :
- Fractionner les repas pour mieux répartir les apports (collations matin et après-midi).
- Encourager l’hydratation tout au long de la journée (eaux aromatisées, tisanes, jus).
- Intégrer l’activité physique légère pour stimuler l’appétit.
Parole de professionnel
“Avec quelques biscuits enrichis le matin et une soupe protéinée le soir, nous avons réduit les CNO de moitié.”— Infirmière coordinatrice, EHPAD rural