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Analyse PESTEL : pourquoi l’intégrer dans la stratégie des structures de santé ?

Gregory Cousyn

May 29, 2025

Temps de lecture :

7 minutes

Deux personnes travaillent ensemble, tenant des post-it colorés pour planifier ou organiser un projet.
Sanitaire

L’analyse PESTEL offre une clé de lecture pour comprendre les facteurs extérieurs qui influencent directement l’organisation, les ressources, les pratiques professionnelles ou la relation aux usagers.

En s’intéressant à six grandes dimensions (Politique, Économique, Socioculturelle, Technologique, Environnementale et Légale), cette approche offre une lecture globale des dynamiques qui traversent le secteur de la santé.

Cet article en propose une application concrète, adaptée aux enjeux du secteur médico-social et sanitaire.

Analyse PESTEL : cadre et l’utilité pour le secteur de la santé

Utilisée dans les grandes entreprises comme dans les structures de taille modeste, la méthode PESTEL (Politique, Économique, Socioculturelle, Technologique, Environnementale, Légale) permet d’analyser les influences de l’environnement sur une organisation. 

Elle est précieuse pour les dirigeants d’ESSMS et de structures sanitaires, car elle offre une vision d’ensemble des facteurs qui peuvent impacter leur fonctionnement, leur stabilité et leur capacité à innover.

Un outil d’analyse stratégique à part entière

Initialement conçue pour accompagner la création ou le développement d’une activité, l’analyse PESTEL est aujourd’hui reconnue comme un outil central de la planification stratégique. Elle permet de :

  • Décrypter les grandes tendances qui façonnent l’environnement d’un établissement,
  • Anticiper les risques (crise sanitaire, inflation, évolutions réglementaires…),
  • Identifier des opportunités de développement ou de repositionnement (télémédecine, services à domicile, financements spécifiques...).

Elle s’inscrit ainsi en complément de la méthode SWOT, qui croise les données internes (forces et faiblesses) avec ces influences externes (opportunités et menaces).

Une utilité renforcée dans le secteur sanitaire et des ESSMS

Dans le domaine sanitaire, médico-social et social, l’environnement est normé et dépendant de dynamiques externes. Les structures n’évoluent jamais « hors sol » : elles sont en prise directe avec : 

  • Les politiques publiques
  • Les besoins socio-démographiques
  • L’évolution des pratiques professionnelles, 
  • Les innovations techniques ou encore les urgences environnementales.

Réaliser une analyse PESTEL revient donc à prendre le temps d’observer, de comprendre et de hiérarchiser les éléments qui conditionnent l’activité à court, moyen et long termes. 

Elle est particulièrement utile pour :

  • Élaborer un projet d’établissement, de service ou de soins solide, aligné sur les orientations territoriales et les exigences de la HAS
  • Préparer une évaluation, une certification en documentant les influences extérieures sur l’organisation
  • Adapter son offre de services à des populations en mutation, dans un contexte de vieillissement ou de raréfaction des professionnels.

Au-delà d’un simple exercice formel, l’analyse PESTEL devient un révélateur stratégique qui aide les directions à structurer leur vision, leur posture, et leur capacité à répondre à un monde de plus en plus incertain.

Facteurs politiques : un secteur sous haute influence institutionnelle

Contrairement à d'autres domaines plus libéraux, les ESSMS et établissements sanitaires dépendent très largement de l’État, des agences régionales de santé (ARS), des conseils départementaux et des textes législatifs.  

Un environnement réglementaire dense 

Le cadre réglementaire auquel sont soumis les ESSMS est particulièrement structurant. Les lois, décrets, circulaires ou référentiels (HAS) rythment la vie des structures et conditionnent leur conformité.

La régulation politique concerne aussi les modalités d'autorisation, les critères de contractualisation avec les autorités de tarification, ou les obligations liées à la transparence, la participation des usagers, la gouvernance, etc.

Des orientations nationales 

Les politiques publiques nationales influencent directement les priorités et les marges de manœuvre des établissements :

  • Priorisation de la lutte contre la maltraitance ou du virage domiciliaire
  • Plans nationaux (autonomie, handicap, santé mentale, etc.),
  • Programmes comme Ségur de la santé ou les stratégies régionales de santé.

Ces orientations impliquent souvent une réaffectation de ressources, de nouvelles obligations, ou encore une révision des pratiques professionnelles

Leur traduction locale (projets territoriaux, schémas départementaux) constitue une couche supplémentaire d’influence.

Subventions, aides et contractualisation : des leviers politiques

De nombreuses structures dépendent aussi des subventions publiques pour fonctionner ou se développer (fonds d’amorçage, appels à projets, dotations exceptionnelles). 

La capacité à comprendre et à anticiper ces dispositifs relève donc d’une lecture politique stratégique.

Enfin, la signature d’un CPOM (Contrat Pluriannuel d’Objectifs et de Moyens) pour le secteur médico-social, engage l’établissement dans une logique de résultats, de dialogue de gestion, et conditionne l’accès à certaines ressources.

Facteurs économiques : entre contrainte budgétaire et recherche d’efficience

Les établissements de santé et médico-sociaux évoluent dans un environnement économique particulièrement contraint, marqué par une tension constante entre qualité de service, maîtrise des coûts et efficience opérationnelle

Comprendre les dynamiques économiques est donc un préalable indispensable pour ajuster ses choix de gestion, prioriser ses actions et sécuriser son modèle économique.

Des financements publics sous pression

La majorité des ESSMS fonctionnent grâce à des fonds publics alloués par les conseils départementaux, les ARS ou l’Assurance Maladie, via des enveloppes limitatives, des dotations globales ou des contrats CPOM. Cette dépendance expose les structures :

  • Aux variations de budget alloués par les tutelles
  • À l’évolution des modes de tarification (ex : tarification à l’activité ou à la qualité)
  • À l’alourdissement des charges de reporting et d’indicateurs de performance.

Les périodes de crise économique (inflation, instabilité budgétaire) accentuent cette tension, notamment en affectant les capacités d’investissement, la révision salariale ou les projets d’extension.

 L’inflation des coûts de fonctionnement

Les établissements doivent faire face à une hausse généralisée des coûts :

  • Prix des denrées alimentaires, des produits d’hygiène, des dispositifs médicaux
  • Augmentation du coût de l’énergie et des fluides (chauffage, électricité, carburant)
  • Revalorisation salariale (Ségur, conventions collectives), parfois sans contrepartie budgétaire suffisante.

Ces augmentations pèsent directement sur l’équilibre financier, surtout pour les structures déjà fragiles ou sous-dotées.

Le facteur RH : rareté et coût du personnel

La pénurie de professionnels de santé et d’accompagnement constitue un double enjeu économique :

  • Les recrutements deviennent plus coûteux (vacataires, intérim, primes)
  • Les absences et le turnover génèrent un coût indirect élevé (désorganisation, formation des remplaçants, moindre qualité de service).

Les structures sont ainsi incitées à développer des politiques de fidélisation (QVCT, attractivité, logement…), mais ces leviers ont, eux aussi, un coût à absorber.

Capacité d’investissement et accès au financement

Pour se moderniser (travaux, équipement, numérique…), les établissements doivent pouvoir investir. Cela suppose :

  • Une capacité d’autofinancement suffisante
  • Un accès facilité au crédit ou aux appels à projets
  • Une gestion fine de la trésorerie pour faire face aux décalages de versements (notamment avec la CNSA ou les ARS).

Les établissements les plus agiles économiquement sont ceux qui savent anticiper les évolutions du marché, sécuriser plusieurs sources de financement et adapter leur offre en fonction des besoins locaux.

Facteurs socioculturels : vers des attentes nouvelles des usagers

Le rapport au soin, à la santé, à la dépendance ou à l’accompagnement social évolue profondément. 

Ces transformations s’inscrivent dans des mutations sociétales plus larges : vieillissement de la population, diversification des parcours de vie, montée en puissance de la participation citoyenne, ou encore remise en question de certains modèles traditionnels de prise en charge.

Vieillissement et évolution des besoins

La transition démographique accélère la pression sur les structures médico-sociales :

  • Vieillissement massif de la population, y compris dans les zones rurales
  • Hausse des situations complexes (polypathologies, troubles cognitifs, isolement),
  • Allongement de la durée de vie avec dépendance partielle ou totale.


Nouvelles attentes : individualisation, santé mentale, participation

Les usagers et leurs proches attendent davantage de :

  • Personnalisation (plans d’accompagnement personnalisé, projets de vie)
  • Respect des droits (liberté, intimité, consentement, vie affective et spirituelle),
  • Transparence et participation (CVS, CDU, coconstruction, accès à l’information),
  • Soutien à la santé mentale, de plus en plus valorisée 

Ces attentes impliquent un changement culturel pour les professionnels : posture de l’écoute active, codécision, bientraitance intégrée, travail pluridisciplinaire décloisonné.

L’impact des modes de vie et des usages numériques

Le numérique a modifié les usages sociaux : rendez-vous en ligne, messageries médicales, applications de suivi, accès aux données de santé. Cela suppose :

  • Une acculturation numérique des équipes comme des usagers
  • Une inclusion numérique pour éviter les inégalités (publics éloignés, handicap, précarité)
  • Une communication adaptée aux nouvelles habitudes (réseaux sociaux, FALC, formats vidéo…).

Les établissements doivent également adapter leurs horaires, leurs prestations et leur cadre de vie à des rythmes de vie plus individualisés : activité professionnelle des aidants, visites en soirée ou week-end, besoin de flexibilité.

Facteurs technologiques : l’innovation au service de la qualité des soins

La transformation numérique et les innovations technologiques redessinent les contours du secteur sanitaire et médico-social. 

Elles ouvrent la voie à de nouvelles formes de prise en charge, de pilotage et de communication, mais posent aussi des défis d’appropriation, de sécurité et d’équité. 

Digitalisation des pratiques : entre opportunités et exigences

La gestion quotidienne des établissements est de plus en plus structurée par des outils numériques :

Ces outils améliorent la traçabilité, la coordination et la réactivité. Mais leur efficacité dépend fortement de l’appropriation par les équipes, de leur interopérabilité, et de la formation continue.

Téléconsultation et e-santé : vers un nouveau modèle d’accès aux soins

Le recours à la télémédecine s’est fortement développé, notamment en réponse à la crise sanitaire. Elle permet :

  • Une meilleure accessibilité des soins pour les publics isolés
  • Une coordination facilitée avec les spécialistes ou les hôpitaux
  • Un gain de temps pour les professionnels de terrain.

Par ailleurs, l’usage des applications de santé, de dispositifs connectés (tensiomètres, capteurs de chute, bracelets de géolocalisation…) se démocratise, en particulier en EHPAD ou en services à domicile.

Mais ces outils soulèvent des questions :

  • d’éthique (surveillance, consentement)
  • de protection des données
  • de surcharge technologique pour les équipes peu formées.

Innovations en santé : IA, automatisation, domotique

Certaines structures expérimentent déjà des technologies avancées :

  • Intelligence artificielle pour l’aide au diagnostic, la gestion des plannings, gagner du temps sur la gestion des risques 
  • Robots d’assistance pour soulager les aidants dans les gestes techniques ou maintenir le lien social

Domotique adaptée (capteurs de présence, lumières intelligentes) pour sécuriser les logements et prévenir les incidents.

Facteurs environnementaux : une transition devenue impérative

Le système de santé représente à lui seul plus de 8 % des émissions de gaz à effet de serre nationales. 

Face à l’urgence climatique et aux obligations européennes, les structures sanitaires et médico-sociales sont aujourd’hui appelées à intégrer pleinement la transition écologique dans leur stratégie.

Des leviers structurés autour de 7 axes nationaux

La feuille de route 2023 du gouvernement articule la transformation écologique du secteur autour de 7 domaines clés :

  • Bâtiments et maîtrise de l’énergie
  • Achats durables (produits de santé, restauration, mobilier…),
  • Soins écoresponsables (réduction des gaz à effet de serre, pratiques sobres),
  • Gestion des déchets, notamment DASRI,
  • Mobilités durables (déplacements domicile/travail, transport sanitaire)
  • Impact du numérique (logiciels, data centers, équipements)
  • Formation et recherche.

Chaque établissement est invité à mettre en place une feuille de route locale, des bilans carbone simplifiés et à intégrer un volet développement durable dans son projet d’établissement.

Des objectifs précis à horizon 2030–2050

Les engagements du secteur incluent :

  • Une réduction de 5 % par an des émissions de GES jusqu’en 2050
  • L’interdiction progressive du plastique dans la restauration (services pédiatriques et maternités dès 2025)
  • La rénovation énergétique des bâtiments et le déploiement de contrats de performance énergétique (CPE)
  • La valorisation des déchets, y compris médicaux et alimentaires
  • Le développement de soins plus sobres, incluant l’éco-prescription, la dé-prescription et le retraitement des dispositifs médicaux à usage unique.

Des impacts concrets pour les ESSMS

Pour les structures médico-sociales, cela implique :

  • L’intégration du critère 3.15.1 du référentiel HAS : “L’ESSMS définit et met en œuvre sa stratégie d’optimisation des achats et de développement durable”,
  • La mobilisation des conseils de la vie sociale (CVS) dans la sensibilisation des usagers,
  • La formation des encadrants à la gestion écologique,
  • La sobriété énergétique appliquée aux équipements, aux déplacements, aux consommations collectives.

Des financements sont accessibles (Ségur de la santé, fonds d’investissement vert, ANAP), ainsi que des outils pratiques : observatoire du développement durable, plateformes de bonnes pratiques, bilans environnementaux simplifiés.

Facteurs légaux : un cadre rigide mais structurant

Dans le secteur sanitaire et médico-social, le cadre légal structure l’ensemble des pratiques professionnelles, définit les droits des usagers et fixe les obligations des gestionnaires. 

L’analyse juridique, souvent perçue comme aride, est pourtant un pilier incontournable pour anticiper les risques, sécuriser les organisations et garantir la qualité de l’accompagnement.

Une législation dense et évolutive

Les établissements sont soumis à un corpus juridique complexe, composé de :

  • Lois nationales (Code de l’action sociale et des familles – CASF, Code de la santé publique)
  • Décrets et arrêtés précisant les obligations en matière de fonctionnement, d’évaluation, de sécurité, de gouvernance
  • Conventions collectives, accords de branche et droit du travail.

Les évolutions législatives sont fréquentes : nouvelles exigences HAS, réformes du financement, obligations issues du RGPD ou du droit des usagers. Une veille active est indispensable pour rester en conformité.

Responsabilités juridiques et obligations de sécurité

La direction engage la responsabilité civile, administrative et parfois pénale de la structure. Les obligations légales incluent :

  • La sécurité des locaux et des personnes (normes ERP, registre sécurité, plans de prévention)
  • La traçabilité des soins et des actes, la gestion rigoureuse des médicaments et dispositifs médicaux
  • La formation obligatoire du personnel (gestes de secours, bientraitance, gestion de crise).


L’absence de conformité peut entraîner des sanctions financières, juridiques ou réputationnelles, voire la suspension d’agrément.

Données, contrats et RGPD : la culture de la preuve

La digitalisation impose une gestion exemplaire des données personnelles de santé. Cela inclut :

  • La sécurisation des accès (logiciels, mots de passe, chiffrement)
  • La désignation d’un DPO (délégué à la protection des données),

  • La tenue de registres de traitement, de consentements et de procédures de notification des violations.

Côté gestion, les structures doivent également se conformer à des obligations contractuelles : contrats de séjour, CPOM, conventions de partenariat, contrats de travail, etc.

Construire sa PESTEL : méthode et bonnes pratiques

Réaliser une analyse PESTEL est une démarche stratégique qui, bien menée, permet d’éclairer les décisions, de mobiliser les équipes et de prioriser les actions dans un environnement incertain. 

Pour un ESSMS ou une structure sanitaire, elle peut devenir un véritable levier de pilotage collectif.

Étape 1 : mobiliser les bonnes personnes

L’analyse PESTEL est plus riche lorsqu’elle est coconstruite. Impliquer plusieurs acteurs permet de :

  • Croiser les regards (direction, encadrement, qualité, soins, vie sociale, technique…)
  • Repérer des signaux faibles issus du terrain
  • Favoriser l’appropriation des enjeux stratégiques.

Elle peut être intégrée dans un groupe de travail existant (COPIL, comité qualité…) ou faire l’objet d’un atelier spécifique.

Étape 2 : collecter et trier les informations

Chaque facteur (P, E, S, T, E, L) doit être analysé avec une question centrale : “Quels éléments extérieurs influencent ou risquent d’influencer notre structure ?”

Sources utiles :

  • Veille réglementaire (HAS, ARS, législation)
  • Données économiques et démographiques (INSEE, CNSA, ARS)
  • Retours des usagers, des professionnels, des partenaires
  • Rapports d’audits, résultats d’évaluation, de certification HAS
  • Presse professionnelle, études sectorielles.

Les éléments recensés peuvent ensuite être classés en opportunités ou menaces, en tenant compte de leur impact potentiel et de leur niveau de probabilité.

Étape 3 : évaluer, hiérarchiser, décider

Pour ne pas se perdre dans un inventaire à la Prévert, il est essentiel de :

  • Noter les facteurs selon leur impact et leur incertitude (ex. : de 1 à 5)
  • identifier les variables pivots : celles qui, si elles évoluent, pourraient avoir des effets systémiques
  • Croiser les éléments pour faire émerger des scénarios prospectifs réalistes.

Ces scénarios nourrissent ensuite la stratégie d’établissement, les priorités du plan d’action qualité.

Étape 4 : intégrer la PESTEL dans les outils de pilotage

L’analyse PESTEL ne doit pas rester un document figé. Pour en faire un outil vivant, il est recommandé de :

  • L’intégrer dans les supports de projet d’établissement, d’audit interne ou de planification stratégique
  • La mettre à jour régulièrement (idéalement chaque année ou à chaque changement significatif du contexte)
  • En faire un support de communication interne (réunion d’équipe, COPIL…) et externe (partenaires, financeurs..).

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Questions fréquentes

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À propos de l’auteur

Gregory Cousyn

Grégory occupe le poste de Head of Customer Care & Quality chez Qualineo. Son parcours : ancien infirmier diplômé d’état ayant travaillé pour le Ministère des Armées, Grégory Cousyn intègre un établissement de santé où il occupait un poste de direction. Son expérience s’articule autour de l’optimisation des organisations pour développer les performances et l’activité d’un établissement, l’appui à la stratégie et la gestion de projets.