Dans un établissement de santé ou médico-social, où tout va vite, l’analyse SWOT peut sembler bien loin des priorités quotidiennes. Et pourtant, entre les imprévus, les contraintes réglementaires, les équipes à soutenir et les projets à mener, il est parfois vital de prendre du recul.
Ce recul, ce temps pour observer et comprendre, permet de savoir où l’on en est : ce qui fonctionne, ce qui bloque, ce qu’il faut renforcer ou transformer. C’est là que la matrice SWOT prend tout son sens : un outil simple, collectif et stratégique pour éclairer les décisions et guider les actions sur le terrain.
Qu’est-ce que l’analyse SWOT ?
L’analyse SWOT est un outil de diagnostic stratégique utilisé pour évaluer la situation d’un établissement ou d’une organisation.
Le sigle SWOT correspond à quatre dimensions :
- Strengths (Forces) : les atouts internes actuels (ex. : équipe soudée, savoir-faire, outils adaptés)
- Weaknesses (Faiblesses) : les freins ou dysfonctionnements internes (ex. : turn-over, manque de coordination)
- Opportunities (Opportunités) : les facteurs externes favorables à saisir (ex. : appels à projets, évolutions technologiques),
- Threats (Menaces) : les risques externes pouvant nuire au bon fonctionnement (ex. : pression réglementaire, pénurie de personnel).
Elle offre une grille de lecture simple, mais structurante, permettant de croiser l’interne et l’externe, le positif et le négatif.
Résumé des 4 axes de la méthode SWOT :
- Forces : ce qui fonctionne bien aujourd’hui
- Faiblesses : ce qui bloque, ce qui fait perdre du temps ou de l’efficacité
- Opportunités : ce que l’environnement offre comme leviers
- Menaces : ce qui pourrait déstabiliser.
Pourquoi utiliser une matrice SWOT en établissement ?
La méthode SWOT, c’est un peu comme une boussole. Elle ne te dit pas exactement quel chemin prendre, mais elle aide à se repérer et à mieux choisir sa direction. Et bonne nouvelle : pas besoin d’être expert en stratégie pour l’utiliser.
Exemple terrain :
Lorsqu’un établissement a voulu comprendre les raisons du désengagement progressif de ses soignants, la direction a organisé une réunion avec des représentants de chaque service. À partir d’une SWOT tracée au tableau, les professionnels ont pu poser les vraies questions :
- Forces : pourquoi on reste ?
- Faiblesse : pourquoi on part ?
- Opportunité : qu’est-ce qui pourrait changer ?
- Menaces : qu’est-ce qui nous bloque ?
➔ Résultat : un plan d’action coconstruit en deux heures, centré sur la réorganisation des plannings et l’amélioration du climat d’équipe.
Comment construire sa matrice SWOT en ESSMS ?
Pas besoin de PowerPoint ou de consultant externe pour démarrer. Une simple feuille A3, un tableau blanc ou même un paperboard suffit. Le plus important, c’est le collectif.
Étapes concrètes :
- Réunir une équipe pluridisciplinaire
- Lister ensemble les idées dans chaque case, sans jugement
- Reformuler et prioriser
- Choisir quelques axes d’action à engager en priorité.
Bonnes pratiques terrain :
- Utiliser des post-its pour visualiser les contributions de chacun
- Laisser un mur d’expression pendant une semaine
- Impliquer les représentants des usagers quand c’est possible.
À retenir
La SWOT, ce n’est pas juste une case à cocher. C’est une photo à l’instant T de ce que vit votre établissement. Bien menée, elle devient un outil fédérateur qui alimente la démarche qualité et la dynamique d’équipe.
Bonnes pratiques et exemples de SWOT en ESSMS
Rien ne vaut les retours d’expérience pour illustrer la puissance de la méthode SWOT. Voici trois cas rencontrés sur le terrain, qui montrent comment cet outil peut devenir un levier d’action concret.
1. Réduire le turnover grâce à une SWOT partagée
Contexte : Un EHPAD fait face à un turnover important parmi les aides-soignants. L’ambiance d’équipe se détériore, et la qualité perçue par les familles baisse.
Ce qu’ils ont fait :
- Une matrice SWOT a été construite avec les soignants, les encadrants, et même les représentants du CVS
- Les faiblesses : plannings instables, manque de reconnaissance, peu de rituels collectifs
- Les forces : une équipe engagée, une direction à l’écoute, un bon réseau local
- Les opportunités : un partenariat avec un centre de formation, un budget QVCT à débloquer.
➔ Résultat : mise en place d’un pool de remplaçants fidélisés, d’une journée bien-être trimestrielle, et d’un point hebdo participatif. En moins de 6 mois, le climat s’améliore et les départs diminuent.
2. Repenser la gestion documentaire (GED) à partir d’une SWOT
Contexte : une structure médico-sociale prépare son évaluation HAS. Elle réalise qu’elle a perdu la trace de plusieurs versions de procédures et que la documentation qualité est dispersée.
Ce qu’ils ont fait :
Atelier SWOT centré sur la gestion documentaire :
- Forces : un référent qualité impliqué, des équipes sensibles aux enjeux de traçabilité.
- Faiblesses : outils hétérogènes, manque de formation sur l’usage de la GED.
- Menaces : non-conformité en cas d’audit, erreurs dans les pratiques.
- Opportunités : déploiement d’un logiciel GED.
➔ Résultat : formation rapide des équipes, migration des documents vers une GED centralisée, mise en place d’une politique documentaire claire. La qualité s’en trouve renforcée, et l’évaluation HAS est passée sans encombre.
3. Fédérer les équipes à la démarche qualité à partir d'une analyse SWOT
Dans un établissement médico-social, la direction constate que la démarche qualité ne mobilise plus les équipes. Les groupes de travail sont désertés, les indicateurs stagnent, et les actions restent au stade de l’intention.
Plusieurs professionnels expriment ne pas comprendre à quoi sert réellement cette démarche, ni ce qu’on attend d’eux. Le climat est marqué par la lassitude, voire un certain cynisme.
Ce qu’ils ont fait
Plutôt que de relancer la qualité "par le haut", la direction a proposé un atelier SWOT ouvert à toutes les équipes : soignants, éducateurs, cadres, personnel administratif… L’objectif : poser les choses à plat, et redonner du sens à l’engagement qualité.
Voici ce qui a émergé :
- Forces : des professionnels investis auprès des usagers ; un bon esprit d’équipe dans plusieurs services.
- Faiblesses : manque de retour sur les actions menées, sentiment de démarches “hors sol”, absence d’explication sur les objectifs qualité. :
- Opportunités : nouvelle responsable qualité récemment nommée, dynamique HAS relancée, volonté d’ouverture au dialogue. :
- Menaces : épuisement professionnel, turn-over à venir, rejet possible de toute nouvelle initiative.
➔ Résultat : L’atelier a servi de déclencheur. À partir de cette analyse partagée, un plan d’actions co-construit a été lancé : reprise des réunions qualité en binôme avec des professionnels volontaires, communication régulière sur les avancées, mise en place d’un “mur des petites victoires”.
Résultat : un nouvel élan collectif, des équipes réengagées, et une dynamique qualité plus ancrée dans la réalité du terrain.