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Syndrome d'épuisement professionnel des soignants : comprendre, prévenir et agir

Gregory Cousyn

January 29, 2025

Temps de lecture :

6 minutes

Un professionnel de santé épuisé et stressé est assis et tient la tête entre les mains.
Sanitaire

Le Syndrome d’Épuisement Professionnel des Soignants (SEPS), connu sous le terme de burnout, est une réalité préoccupante qui touche un grand nombre de professionnels de santé. 

Ses répercussions ne se limitent pas à l’individu : elles touchent également les équipes, la qualité des soins, et in fine, les patients. 

Cet article explore en profondeur ce syndrome complexe en détaillant ses caractéristiques, les outils de dépistage, les facteurs de risque, ainsi que les stratégies de prévention.

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Définition du Syndrome d’Épuisement Professionnel des Soignants (SEPS)

Le Syndrome d’Épuisement Professionnel des Soignants (SEPS), ou burnout, est une condition transitoire résultant de l’exposition prolongée à des stress liés au travail. 

Il se caractérise par trois dimensions principales :

Épuisement émotionnel 

La première dimension se traduit par un sentiment de fatigue intense accompagné d’une incapacité à se ressourcer, même après des périodes de repos. 

Cela inclut des explosions émotionnelles ou une difficulté à exprimer ou à contenir ses émotions.

Déshumanisation de la relation à l’autre 

La seconde dimension du SEPS se traduit par une prise de distance progressive dans les interactions humaines, où l’autre peut être perçu comme un objet plutôt qu’un individu. 

Ce détachement relationnel appelé également “cynisme vis-à-vis du travail” survient souvent à l’insu du soignant et peut être vécu comme un échec personnel.

Perte de sens de l’accomplissement personnel 

La troisième dimension se traduit par un sentiment de dévalorisation au travail, de frustration constante, une démotivation et une perte du sens des missions professionnelles. 

Cela s’accompagne souvent d’un sentiment de culpabilité.

Reconnaître les manifestations du SEPS

Le SEPS peut être difficile à identifier, car ses manifestations sont variées et parfois subtiles. 

Les différentes phases d’évolution 

1 - Phase de surinvestissement :

  • Aspects quantitatifs : augmentation du temps passé au travail, souvent sans amélioration du rendement, au détriment de la vie personnelle.
  • Aspects qualitatifs : implication émotionnelle excessive, sentiment d’être indispensable, et incapacité à déléguer.

2 - Phase d’évitement :

Apparition d’une stratégie d’évitement des situations difficiles, souvent interprétée comme un mécanisme de défense.

3 - Phase d’apathie :

  • Au travail : fatigue chronique, baisse d’énergie, ralentissement dans l’exécution des tâches.
  • En dehors du travail : désengagement social, absence d’activités personnelles, perte d’intérêt pour des loisirs ou des interactions sociales.

4 - Phase d’apathie avec frustration chronique :

Sentiments de manque de reconnaissance, irritabilité accrue, et insatisfaction chronique.

Les symptômes observables

Les manifestations du SEPS peuvent appartenir à différents registres :

  1. Troubles cognitifs : problèmes de concentration, de mémorisation, ou de prise de décision.
  2. Troubles affectifs : irritabilité, perte d’estime de soi, repli sur soi, rigidité psychique.
  3. Troubles comportementaux : absentéisme, conduites addictives, automédication, risque suicidaire.
  4. Troubles psychosomatiques : fatigue persistante, céphalées, troubles du sommeil, hypertension artérielle.

Facteurs aggravants

  • Les trois dimensions du SEPS sont indépendantes, mais leur interaction amplifie la gravité du syndrome.
  • Le SEPS peut avoir un effet ricochet au sein des équipes, renforçant le risque d’épuisement collectif.

Une détection précoce des signes avant-coureurs est essentielle pour prévenir l’aggravation du SEPS et limiter ses conséquences individuelles et collectives.

Outils de dépistage du SEPS

Le dépistage du SEPS repose sur l’utilisation d’outils d’évaluation standardisés, visant à identifier les manifestations caractéristiques du syndrome. 

Ces outils permettent une mesure structurée de l’épuisement professionnel selon ses différentes dimensions et symptômes.

Les échelles de dépistage reconnues

Les échelles les plus couramment utilisées pour détecter le SEPS comprennent :

Maslach Burnout Inventory (MBI) :

Le MBI est l’échelle la plus utilisée, évaluant spécifiquement les trois composantes du burnout.

  • Nombre d’items : 22
  • Dimensions explorées : épuisement émotionnel, dépersonnalisation, sentiment d’accomplissement personnel.

Shirom-Melamed Burnout Measure (SMBM) :

  • Nombre d’items : 14.
  • Dimensions explorées : fatigue physique, épuisement émotionnel, lassitude cognitive.

Oldenburg Burnout Inventory (OLBI) :

  • Nombre d’items : 15.
  • Dimensions explorées : épuisement émotionnel, désengagement, fatigue physique (indirectement).

Copenhagen Burnout Inventory (CBI) :

  • Nombre d’items : 19.
  • Dimensions explorées : burnout personnel, lié au travail et à la relation avec la clientèle.

Burnout Measure (BM) :

  • Version courte (BMS-10) : 10 items.
  • Dimensions explorées : épuisement professionnel en tant que phénomène unidimensionnel.

Évaluation de la qualité de vie au travail

En complément des échelles de dépistage, des outils mesurent la qualité de vie au travail (QVT), pour évaluer les facteurs contextuels influençant l’épuisement professionnel. Parmi eux :

  • Échelle Qualité de Vie au Travail – France (QVT-F) : évalue les dimensions psychologiques, physiques, sociales et culturelles.
  • Échelle Santé Psychologique au Travail (SPT) : explore le bien-être et la détresse psychologique au travail.
  • Échelle de Satisfaction de Vie Professionnelle (ESVP) : mesure la satisfaction globale dans la vie professionnelle.

Indications pour l’utilisation des outils

  • Ces échelles doivent être administrées de manière régulière (bilan annuel) pour suivre l’état des professionnels de santé.
  • Les résultats doivent être interprétés dans un contexte global, incluant les conditions de travail, les relations interpersonnelles et les facteurs personnels.

Utilisation institutionnelle

Les organisations peuvent intégrer ces outils dans leur politique de prévention, en :

  • Réalisant des audits réguliers pour identifier les zones ou professions les plus à risque.
  • Utilisant des évaluations globales, comme le modèle de Karasek, pour analyser les contraintes et ressources psychosociales au travail.

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Les causes du burn out des soignants

Le SEPS est un syndrome influencé par une combinaison de facteurs personnels, organisationnels et environnementaux. 

Ces causes interagissent souvent entre elles, augmentant la vulnérabilité des professionnels de santé face à l’épuisement.

1. Facteurs personnels

Certains traits individuels et situations de vie peuvent augmenter le risque de développer un SEPS :

Caractéristiques individuelles :

  • Sexe féminin.
  • Manque de vocation ou de motivation.
  • Traits de personnalité : perfectionnisme, pessimisme, anxiété, introversion.
  • Idéal soignant élevé, souvent en décalage avec la réalité du terrain.

Contexte de vie :

  • Difficulté à concilier vie personnelle et professionnelle.
  • Responsabilités familiales (retour de maternité, garde d’enfants, conflits familiaux).
  • Stress lié à des événements personnels : deuil récent, séparation, difficultés financières.

Autres facteurs :

  • Antécédents psychopathologiques latents.
  • Durée et complexité des trajets domicile-travail.

2. Facteurs liés au travail

Certains aspects spécifiques à l’exercice des professions de soin favorisent l’apparition du SEPS :

Type de métier et spécialité :

  • Exposition fréquente à la souffrance, aux décès ou aux annonces de mauvaises nouvelles.
  • Confrontation à des patients jeunes ou à des échecs thérapeutiques.
  • Gestion des erreurs potentielles, parfois graves.

Horaires de travail :

  • Travail de nuit, horaires irréguliers ou prolongés.
  • Pression temporelle liée à la gestion des urgences ou à des délais serrés.

3. Organisation du travail

Un environnement organisationnel inadéquat constitue une cause majeure du SEPS :

Charge de travail excessive :

  • Ratio personnel-patients insuffisant.
  • Sentiment de ne pas pouvoir accomplir les tâches dans le temps imparti.
  • Exigences qualitatives et quantitatives démesurées.

Problèmes structurels :

  • Manque de travail en équipe ou en binôme.
  • Interruptions fréquentes des tâches.
  • Outils de travail et systèmes d’information inadaptés.
  • Insuffisance de temps de concertation pour améliorer l’organisation.

4. Facteurs environnementaux

L’environnement de travail, notamment les relations et le management, joue un rôle critique :

Au sein de l’équipe :

  • Climat de travail insatisfaisant, manque de soutien entre collègues.
  • Déficit de reconnaissance (travail, compétences, efforts).
  • Conflits interpersonnels ou harcèlement moral.

Au niveau managérial :

  • Absence de cohérence dans les valeurs ou les missions.
  • Style de management inadapté, manque de participation des équipes aux décisions.
  • Peu de soutien psychologique ou d’espaces de discussion pour exprimer les difficultés.

5. Effet d’amplification collective

Le SEPS peut se propager au sein des équipes, créant un effet ricochet

Ce phénomène survient lorsque le stress ou les tensions d’un individu se répercutent sur ses collègues, entraînant un épuisement collectif.

Prévenir le syndrome d’épuisement professionnel des soignants 

La prévention du SEPS repose sur une approche globale et concertée à trois niveaux : individuel, collectif, et institutionnel. 

Elle vise à limiter l’apparition du syndrome, à réduire sa gravité et sa fréquence, tout en renforçant la résilience des professionnels et des équipes.

1. Prévention individuelle : prendre soin de soi pour mieux prendre soin des autres

Les professionnels de santé doivent adopter des stratégies personnelles pour maintenir leur bien-être :

Auto-réflexion :

  • Clarifier ses motivations, ses valeurs et ses objectifs professionnels.
  • Évaluer sa qualité de vie au travail et reconnaître ses propres limites.
  • Développer une capacité d’adaptation ou envisager une mobilité professionnelle si nécessaire.

Formation et gestion du stress :

  • Participer à des formations précoces en communication, gestion des émotions, et approches psychocorporelles.
  • Renforcer ses compétences techniques et personnelles : gestion du stress, soins palliatifs, régulation émotionnelle.

Utiliser les ressources disponibles :

  • Recourir à des groupes de parole, d’analyse de pratiques ou à un soutien psychologique.
  • Profiter des espaces d’échanges institutionnels ou externes.

2. Prévention collective : instaurer une culture d’équipe participative

Favoriser un esprit de solidarité et des démarches collaboratives au sein des équipes :

Espaces d’échanges :

  • Mettre en place des staffs pluridisciplinaires pour échanger sur les cas complexes.
  • Organiser des groupes d’analyse de pratiques, de réflexion éthique ou des débriefings après des situations difficiles.
  • Encourager les groupes de parole intra ou inter-équipe.

Projets d’équipe :

  • Co-construire des projets collectifs pour améliorer l’organisation ou résoudre des dysfonctionnements.
  • Favoriser le tutorat et le compagnonnage pour accompagner les nouveaux arrivants.

Formation collective :

  • Mettre en place des formations pluri-professionnelles centrées sur la gestion du stress, la qualité des soins, et la communication.

3. Prévention institutionnelle : inscrire la prévention dans le projet de l’établissement

Les établissements jouent un rôle fondamental dans la reconnaissance et la gestion du risque de SEPS :

Stratégie organisationnelle :

  • Intégrer la qualité de vie au travail dans les projets institutionnels et sociaux.
  • Adapter les plannings et organiser équitablement les congés et les rotations.
  • Fournir des outils de travail adéquats et assurer une définition claire des rôles et responsabilités.

Soutien aux personnels :

  • Mettre en place des dispositifs d’aide : crèches, structures de relaxation, comités d’entreprise.
  • Créer des espaces d’écoute et des plateformes d’accompagnement psychologique.
  • Valoriser les initiatives des équipes par une reconnaissance formelle et un soutien financier ou organisationnel.

Formation des cadres et des managers :

  • Sensibiliser les responsables aux signes avant-coureurs du SEPS.
  • Encourager un management participatif et respectueux, capable de détecter et gérer les tensions au sein des équipes.

4. Rôle des psychologues et des psychiatres

Les professionnels en santé mentale jouent un rôle clé dans la prévention :

  • Animer des espaces de parole formalisés (groupes Balint, échanges cliniques).
  • Accompagner les équipes dans le repérage des signes précoces de SEPS.
  • Intervenir en tant que tiers neutres pour structurer et faciliter la communication interpersonnelle.

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À propos de l’auteur

Gregory Cousyn

Grégory occupe le poste de Head of Customer Care & Quality chez Qualineo. Son parcours : ancien infirmier diplômé d’état ayant travaillé pour le Ministère des Armées, Grégory Cousyn intègre un établissement de santé où il occupait un poste de direction. Son expérience s’articule autour de l’optimisation des organisations pour développer les performances et l’activité d’un établissement, l’appui à la stratégie et la gestion de projets.