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Gestion des impayés en Ehpad : bonnes pratiques pour sécuriser les recettes

Gregory Cousyn

September 30, 2025

Temps de lecture :

5 minutes

Deux collègues concentrés au bureau : elle sur un laptop, lui examine des documents, entourés de dossiers et fournitures.
Médico-social / Social

Les impayés en Ehpad peuvent rapidement fragiliser l’équilibre financier d’un établissement. 

Entre démarches administratives complexes, dossiers d’aide sociale en attente et familles difficilement joignables, le recouvrement des frais de séjour exige une organisation rigoureuse.

Dans cet article, découvrez les bonnes pratiques pour anticiper les retards de paiement, structurer vos relances et sécuriser la gestion des impayés, tout en préservant la relation avec les résidents et leurs proches.

Sécuriser les frais de séjour dès l’entrée en Ehpad

Avant de parler de recouvrement, encore faut-il s’assurer que tout a été mis en place pour prévenir les impayés. En Ehpad, cette prévention commence dès l’admission du résident

Formaliser un contrat de séjour clair et complet

La gestion des impayés commence bien avant la première facture : elle s’amorce en effet dès l’admission du résident. Le contrat de séjour est à ce titre un document fondamental, qui doit aller au-delà du simple cadre administratif. Il constitue la base sur laquelle repose toute action ultérieure de recouvrement.

Contrairement à un bail locatif, le contrat de séjour peut être rompu à tout moment. Cette souplesse juridique implique, en contrepartie, une vigilance accrue au moment de sa rédaction. Le contrat doit préciser clairement :

  • Les conditions de facturation et de paiement
  • Les recours en cas d’impayés
  • et les modalités de rupture anticipée.

Un contrat incomplet ou imprécis devient un frein en cas de litige. Il est donc indispensable de le personnaliser selon la situation du résident, notamment si celui-ci est placé sous tutelle ou curatelle.

Vérifier la situation juridique et financière du résident

Avant de parler d’accueil, il faut s’assurer que toutes les dimensions juridiques et financières sont balisées. Cela passe par un échange approfondi avec la famille et la personne référente pour recueillir les éléments suivants :

  • Les ressources et le patrimoine du résident (relevés, pensions, éventuelles dettes)
  • Le nom du représentant légal (si mesure de protection)
  • Les coordonnées complètes de la personne de confiance
  • Le livret de famille et l’acte de naissance (utiles en cas de procédure auprès du juge),
  • Les informations sur les obligés alimentaires (enfants, gendres, etc.).

Ne pas disposer de ces pièces au départ, c’est prendre le risque de devoir courir après dans l’urgence si une situation d’impayé survient.

Initier rapidement la demande d’aide sociale

Dans de nombreux cas, l’équilibre financier repose partiellement sur une participation du département. Pour en bénéficier, le résident ou sa famille doit déposer un dossier d’aide sociale. Cette démarche, souvent fastidieuse, doit être anticipée. Idéalement, le dossier doit être complété et transmis dans le mois suivant l’admission

Trop souvent, les Ehpad attendent plusieurs mois avant de s’assurer que le dossier d’aide sociale a bien été déposé. Ce retard peut coûter cher :

  • L’aide sociale n’est rétroactive qu’à partir de la date de dépôt du dossier (et non de l’entrée en établissement).
  • Aucun effet automatique : les obligés alimentaires ne sont pas contraints de participer tant qu’aucune décision judiciaire n’a été rendue.

En cas d’inaction, la dette augmente… et finit par se prescrire. Il est donc stratégique de :

  • Fixer un délai clair aux familles pour le dépôt du dossier (idéalement dans le mois suivant l’admission)
  • Demander systématiquement un accusé de réception,
  • conserver toutes les preuves d’échanges avec le Département et la famille.

Comprendre l’enjeu de la prescription : 24 mois et pas un de plus

Selon le Code de la consommation, les dettes liées à des prestations de services, y compris les frais de séjour en Ehpad, se prescrivent au bout de deux ans. Cela signifie que vous ne pourrez plus légalement en réclamer le paiement au-delà de ce délai. En pratique, cela implique une rigueur extrême dans :

  • Le suivi des dates d’émission des factures
  • La traçabilité des relances
  • La constitution des pièces justificatives en cas de contentieux.

Une créance non réclamée ou mal relancée dans ce laps de temps devient irrécouvrable, même si elle est parfaitement fondée.

Comment relancer efficacement les résidents et obligés alimentaires ?

Lorsqu’un impayé est constaté, le premier réflexe ne doit pas être juridique. La voie amiable reste la plus rapide, la moins coûteuse et souvent la plus efficace. Mais encore faut-il qu’elle soit structurée, tracée et menée avec rigueur. 

Structurer la relance amiable dès les premiers retards

Le temps joue contre vous. Plus vous attendez, plus la dette devient difficile à récupérer, surtout avec un délai de prescription aussi court. Pour éviter l’enlisement, adoptez une méthode progressive :

  1. Premier contact informel : par téléphone ou e-mail, il permet souvent de débloquer une situation liée à un simple oubli ou malentendu.
  2. Lettre de relance simple : adressée au résident et/ou à la famille, elle rappelle poliment le montant dû, l’échéance dépassée et propose une régularisation rapide.
  3. Mise en demeure par courrier recommandé avec accusé de réception (LRAR) : c’est une étape formelle indispensable. Elle marque un tournant dans le processus et prépare le terrain en cas de recours ultérieur.

Chaque étape doit être datée, tracée et archivée. Un tableau de suivi des relances avec les dates d’envoi et de réponse est un outil précieux pour justifier votre démarche si le dossier venait à être judiciarisé.

Identifier tous les interlocuteurs concernés

Un impayé ne concerne pas uniquement le résident. Il peut impliquer plusieurs acteurs :

  • Le résident lui-même, s’il est autonome financièrement
  • Le représentant légal, en cas de tutelle ou curatelle (organisme ou membre de la famille)
  • La personne de confiance, qui peut faciliter le dialogue, même si elle n’a pas de pouvoir décisionnel
  • Les obligés alimentaires : enfants, gendres, petits-enfants… la loi leur impose, sous conditions, une contribution financière.

Chaque partie doit être tenue informée du retard de paiement, dans un cadre clair et non conflictuel. L’objectif est de responsabiliser sans braquer.

Saisir le juge pour recouvrer une dette en Ehpad : que peut-on vraiment attendre du JAF ?

Lorsque les relances amiables échouent, il faut parfois franchir une nouvelle étape. Saisir le juge aux affaires familiales (JAF) peut permettre de mobiliser les obligés alimentaires. Mais il est essentiel de bien comprendre ce que cette démarche permet et ce qu’elle ne permet pas. 

L’obligation alimentaire : un droit encadré par la loi

En droit français, les enfants ont l’obligation de venir en aide à leurs parents dans le besoin. Ce principe est posé par les articles 205 à 208 du Code civil et s’étend, sous certaines conditions, aux gendres, belles-filles ou petits-enfants.

Mais attention à un point fondamental : cette obligation est réciproque, mais limitée. Le juge tiendra compte :

  • Des ressources des obligés
  • De leur capacité contributive réelle
  • et des éventuelles fautes graves du parent à leur égard (abandons, violences…).

Résultat : il est possible qu’un obligé soit partiellement ou totalement exonéré, même si le résident est dans une situation critique.

Saisir le JAF : une procédure utile, mais à bien cadrer

L’objectif de la saisine du JAF est d’obtenir une décision de justice fixant le montant de la participation des obligés alimentaires. Cela offre une base légale au recouvrement.Mais cette démarche présente deux limites importantes :

  1. La dette antérieure à la saisine ne peut pas être récupérée : seuls les frais postérieurs à l’assignation peuvent faire l’objet d’une contribution.
  2. L’obligation alimentaire ne transfère pas la dette à la famille : c’est toujours le résident qui reste légalement débiteur de l’Ehpad.

En d’autres termes, le JAF ne permet pas de faire rembourser une créance passée, mais d’éviter que la dette ne continue de s’alourdir à l’avenir.

Quand la justice devient un levier de régulation

Même si les sommes récupérées sont parfois limitées, la saisine du JAF peut débloquer des situations figées :

  • Elle incite les obligés à réagir, notamment dans les dossiers d’aide sociale
  • Elle officialise l’existence d’un désaccord, ce qui peut motiver un règlement amiable
  • Elle permet de faire intervenir d’autres acteurs comme le Département ou les services sociaux.

Elle doit donc être envisagée comme un outil stratégique, notamment lorsque :

  • Les familles refusent de répondre ou de coopérer
  • Les démarches amiables sont restées infructueuses,
  • Le dossier d’aide sociale piétine faute de retour des coobligés.

Organiser la gestion des impayés en Ehpad : outils, suivi et procédures internes

Une organisation interne claire, des outils de suivi adaptés et des documents bien centralisés permettent de mieux piloter les situations sensibles et de gagner en réactivité.

Mettre en place un tableau de suivi des impayés clair et partagé

La première étape d’une gestion efficace, c’est la visibilité. Un simple tableau de suivi, mis à jour régulièrement, permet d’identifier :

  • Les résidents ayant des retards de paiement
  • Les montants dus et les échéances dépassées,
  • Les relances effectuées et les réponses reçues,
  • Les actions en cours (dossier d’aide sociale, saisine du JAF…).

Ce tableau peut être partagé avec l’équipe administrative, la direction et, si nécessaire, le service comptable ou juridique. Il doit inclure des dates précises, des pièces justificatives, et un historique complet des échanges.

Centraliser tous les documents nécessaires dès le début

Pour éviter de perdre du temps quand une situation se complique, il est important de constituer un dossier complet par résident, comprenant :

  • Le contrat de séjour signé,
  • Les coordonnées de la personne de confiance et du représentant légal,
  • Les copies de toutes les factures émises,
  • Les courriers et relances envoyés,
  • Les preuves de dépôt du dossier d’aide sociale,
  • Les décisions judiciaires ou administratives éventuelles.

Un dossier bien tenu est un gage de réactivité et de sécurité juridique. Il est aussi indispensable en cas de contentieux.

Créer une procédure interne de relance bien définie

Plutôt que de laisser chaque cas être géré de façon isolée, mieux vaut adopter une procédure type de relance, avec :

  • Des délais standards entre chaque étape (1re relance, 2e relance, mise en demeure),
  • Des modèles de courriers prêts à l’emploi
  • Un responsable clairement identifié du suivi.

Cette procédure permet à tous les membres de l’équipe d’agir en cohérence, même en cas d’absence ou de turnover.

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Questions fréquentes

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À propos de l’auteur

Gregory Cousyn

Grégory occupe le poste de Head of Customer Care & Quality chez Qualineo. Son parcours : ancien infirmier diplômé d’état ayant travaillé pour le Ministère des Armées, Grégory Cousyn intègre un établissement de santé où il occupait un poste de direction. Son expérience s’articule autour de l’optimisation des organisations pour développer les performances et l’activité d’un établissement, l’appui à la stratégie et la gestion de projets.