Le pari de la ludopédagogie, c’est d’aborder la qualité autrement par l’expérience partagée, le jeu et l’apprentissage actif.
Dans les ESSMS, où les exigences en matière de qualité et d'amélioration continue sont croissantes, la ludopédagogie ouvre un espace concret pour impliquer les équipes, faire vivre les référentiels sur le terrain et nourrir une culture qualité plus incarnée.
L’idée de cet article a été initié et enrichi par Stéphanie Deroubaix, évaluatrice ESSMS, formatrice et fondatrice de QUERRE. Merci à vous Stéphanie !
La ludopédagogie, c'est quoi ?
La ludopédagogie consiste à utiliser des activités ludiques dans une visée pédagogique. Elle repose sur un principe simple : apprendre en s’amusant. On n'y joue pas pour jouer, mais pour stimuler l’engagement, l’appropriation, la mémorisation.
Elle s’appuie sur des bases solides :
- Théories de l’apprentissage actif (constructivisme, interactionnisme) : on apprend mieux en agissant, en expérimentant.
- Travaux en neurosciences (Stanislas Dehaene) : l’engagement actif, le plaisir, l’erreur et le retour sur expérience sont des piliers d’un apprentissage durable.
- Psychologie cognitive et motivation (Deci & Ryan, Mihaly Csikszentmihalyi) : le jeu favorise la motivation intrinsèque, essentielle pour l’adulte apprenant.
Les ingrédients clés d’une activité ludopédagogique :
- Liberté et sécurité : le cadre ludique autorise l’essai-erreur, sans jugement.
- Interactions sociales : le jeu est souvent collectif et soutient la coopération.
- Règles claires et objectifs motivants : sinon il s’agit d’une animation, pas d’un jeu pédagogique.
Un débriefing systématique : pour transformer le vécu en apprentissage conscient.
Exemples de formats ludo-pédagogiques
- Jeux de rôle encadrés : à condition de poser des règles claires (cadre sécurisant, droit à l’erreur, objectifs définis), ils permettent d’explorer les postures professionnelles et les situations relationnelles sensibles. Le débriefing est essentiel pour transformer l’expérience en apprentissage.
- Serious games numériques pour simuler des prises de décision.
- Escape games pour revisiter de façon ludique des protocoles ou référentiels.
- Jeux-cadres de Thiagi ou autres ateliers d’intelligence collective, adaptables à tous types de thèmes (bientraitance, gestion des risques, etc.) → Voir les Fiches ateliers de Stéphanie Deroubaix ici.
- Les jeux de placement, les jeux de cartes, pour dédramatiser.
En bref, la ludopédagogie transforme une situation d’apprentissage en une expérience engageante, porteuse de sens et de lien. Elle ne se substitue pas à d’autres méthodes : elle les complète en redonnant envie d'apprendre et de s'impliquer collectivement.
Quelles conditions pour qu’un jeu pédagogique fonctionne dans les ESSMS ?
Le jeu a toute sa place dans les établissements sociaux et médico-sociaux. Il parle à l’humain, il crée du lien, il donne du sens. Mais pour qu’il fonctionne vraiment en formation, quelques conditions doivent être réunies.
D’abord, le jeu installe un climat de confiance. En sortant du cadre habituel, il permet d’aborder des sujets parfois sensibles — comme la bientraitance ou les erreurs — de manière plus libre, moins formelle.
Ensuite, il renforce la dynamique de groupe. En jouant ensemble, on coopère, on se découvre autrement, on construit une réponse collective. C’est une façon concrète de nourrir la cohésion d’équipe.
Le jeu, c’est aussi du plaisir et de l’émotion. Rire, se surprendre, relever un défi… Ce sont des émotions positives qui marquent les esprits et qui aident à retenir l’essentiel.
Autre point clé : dans un quotidien souvent sous tension, le jeu offre une pause utile. Un moment à la fois structuré et respirant, où les professionnels peuvent souffler tout en apprenant.
Enfin, le jeu donne la main aux équipes. On ne subit plus une formation descendante : on expérimente, on interagit, on construit ensemble. Et c’est là que les messages prennent tout leur sens.
Un outil au service de l'amélioration continue de la qualité
La qualité ne doit pas rester l'affaire des experts ou des cadres. La ludopédagogie peut devenir un véritable levier pour démocratiser la culture de l'amélioration continue dans tous les services d'un ESSMS.
Voici ses apports clés :
- Dramatiser les enjeux de la qualité : le jeu rend les thématiques plus accessibles et compréhensibles pour tous.
- Renforcer l’acculturation progressive : des formats courts, réguliers, conviviaux ancrent naturellement les principes qualité dans les pratiques.
- Impliquer tous les métiers : soignants, agents hôteliers, personnels administratifs… tout le monde peut apprendre et contribuer.
- Valoriser les savoirs de terrain : les jeux bien conçus intègrent des cas réels, des retours d’expérience, les réflexions du quotidien.
- Initier des changements de posture : sur les risques, les droits des usagers, la bientraitance…
- Marquer les esprits : une activité bien animée, émotionnellement engageante, laisse une empreinte durable. Ce qui a été vécu est mieux retenu et plus facilement réinvesti.
C’est un excellent outil pour accompagner de nouvelles pratiques ou la préparation à une évaluation.