Micro-violences en structure petite enfance : repères pour les éviter


Dans les lieux d'accueil du jeune enfant, la qualité de la relation passe aussi par l'attention portée aux gestes les plus ordinaires. Or, certains automatismes ou attitudes banalisées peuvent, sans intention malveillante, relever de ce que l'on appelle la maltraitance institutionnelle.
Cette notion interroge les micro-violences invisibles, les postures professionnelles et l'état émotionnel des adultes.
Cet article propose des repères concrets pour prévenir ces risques dans une démarche de qualité d'accueil conforme au référentiel national de la qualité d'accueil du jeune enfant.
Qu’est-ce que la maltraitance institutionnelle ?
La maltraitance institutionnelle ne relève pas d'un acte isolé intentionnel, mais d'une dérive systémique ou relationnelle. Elle peut prendre la forme de :
- Gestes brusques ou pressés
- Absence d'écoute répétée
- Mots rabaissants ou ton autoritaire
- Non-considération de l'individualité de l'enfant (exemple : « on met les bébés au lit » au lieu de « je te propose de dormir »)
- Non-respect du rythme ou de l'intimité.
Elle est souvent involontaire, nourrie par la fatigue, le stress ou des organisations inadaptées. Dans les structures petite enfance, une attention constante à la qualité des gestes professionnels est nécessaire.
Micro-violences en crèche : de quoi parle-t-on concrètement ?
Les micro-violences peuvent se loger dans :
- Le change réalisé à la chaîne, sans interaction ni parole, ou sans prévenir l’enfant du geste
- Le sommeil imposé avec des mots intimidants ou des gestes de contrainte
- L’alimentation forcée (« Allez, une cuillère pour maman »), ou accompagnée de chantage affectif
- Les transmissions situation où l’adulte parle de l’enfant sans jamais s’adresser à lui.
- La parole collective (« on arrête de faire les bébés », « les grands ne pleurent pas ») qui invisibilise ou stigmatise.
Ces gestes ne relèvent pas d’un cadre malveillant, mais ils peuvent altérer le sentiment de sécurité affective de l’enfant s’ils se répètent.
Quels repères pour cultiver une posture bienveillante au quotidien ?
Voici des gestes et des attitudes clés pour ancrer la bienveillance dans les pratiques professionnelles.
1. Présence et lenteur
Accompagner un enfant demande du temps de présence pleine, même pour un court moment. Cela implique de ralentir quand c’est possible, d’observer, de verbaliser ses gestes.
2. Individualisation des relations
Nommer l’enfant par son prénom, s’adresser à lui directement, se mettre à sa hauteur physique et émotionnelle.
3. Anticipation et parole explicative
Chaque soin ou transition est expliqué, même au tout-petit. Cela développe un cadre rassurant et respectueux.
4. Auto-observation et réflexivité
Accepter que l’on puisse mal faire sans le vouloir est essentiel.
Bientraitance en structure petite enfance : le rôle de l’équipe et de l’organisation
Favoriser une posture bientraitante ne relève pas uniquement de la responsabilité individuelle : c’est aussi à l’équipe et à l’organisation d’en poser les conditions.
Une culture professionnelle commune, structurée et soutenante est essentielle pour prévenir les dérives, encourager les ajustements et sécuriser les professionnels dans leurs pratiques quotidiennes.
Voici trois leviers concrets :
Mettre en place des temps de parole réguliers
Des espaces dédiés permettent aux professionnels d’exprimer ce qu’ils vivent, de prendre du recul et de s’ajuster collectivement. Ils constituent un pilier essentiel de la qualité relationnelle.
- Analyse de la pratique professionnelle : interroger les postures et choix éducatifs en lien avec des situations vécues.
- Retours d’observation entre pairs : partager sans jugement des observations pour affiner les gestes du quotidien.
- Supervision : proposer un espace professionnel pour prendre du recul, analyser ses pratiques et faire évoluer ses réponses éducatives.
Formaliser une charte de bientraitance des postures relationnelles
Co-construire une charte de bientraiatnce avec l’équipe permet de poser un cadre commun et mobilisateur autour de la bientraitance.
- Elle définit les gestes, paroles et attitudes attendus dans les situations du quotidien.
- Elle sert de référence pour prévenir les dérives involontaires et renforcer la cohérence de l’accueil.
Alerter sans culpabiliser
La possibilité d’interroger une pratique ou un comportement à risque entre collègues est un enjeu de sécurité collective.
- L’alerte doit pouvoir se faire dans un cadre bienveillant, sécurisé et non punitif.
- La direction joue un rôle central pour garantir un climat de confiance, écouter sans juger et accompagner les ajustements nécessaires.
Fatigue, stress, tensions : quand l’émotion impacte les gestes professionnels
Le travail auprès des tout-petits mobilise intensément les émotions : empathie, patience, frustration, lassitude... Ces ressentis sont normaux, mais s’ils ne sont pas identifiés et accompagnés, ils peuvent altérer la qualité de l’accueil.
Un professionnel en surcharge émotionnelle est plus exposé à des automatismes, des réactions brusques ou à un retrait relationnel. Il peut, sans le vouloir, adopter des postures à risque pour la sécurité affective de l’enfant.
C’est pourquoi il est essentiel que les structures intègrent une vigilance émotionnelle partagée, au cœur de leur démarche qualité.
Des leviers concrets pour mieux accompagner les professionnels :
- Temps de débriefing émotionnel après les situations difficiles (cris, tensions, pleurs, incidents)
- Espaces de repos identifiés (vraie pause sans sollicitation, coin calme pour se recentrer)
- Accès à une supervision ou à un accompagnement externe, en particulier dans les périodes d’instabilité de l’équipe
- Formation à la régulation émotionnelle et à la gestion du stress spécifique au travail avec les enfants
- Droit à l’alerte émotionnelle : possibilité de dire « là, je ne suis pas en état d’être en contact avec les enfants » sans jugement.
Prévenir les dérives passe par le soin porté aux adultes. Un professionnel soutenu est un professionnel plus disponible, plus ajusté, et donc plus sécurisant pour les enfants.
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