Face aux attentes croissantes en matière de qualité dans les modes d’accueil du jeune enfant, l’été 2025 marque une étape clé avec la publication du Référentiel national de la qualité d’accueil du jeune enfant.
Ce document, élaboré par la Direction générale de la cohésion sociale (DGCS), propose pour la première fois un cadre national commun, applicable à tous les contextes : crèches, micro-crèches, MAM, assistants maternels, garde à domicile…
Cet article en propose un décryptage pour en comprendre les fondements, les enjeux et les pratiques à adopter sur le terrain.
Ce qu’il faut savoir sur le référentiel qualité pour l’accueil du jeune enfant
Avant d’entrer dans les pratiques concrètes, il est essentiel de comprendre sur quoi repose ce cadre national de référence et à qui il s’adresse.
Les textes qui encadrent le référentiel national pour la qualité d’accueil
Le référentiel national sur la qualité d’accueil du jeune enfant s’appuie sur un large socle de textes législatifs et scientifiques récents.
Ces textes visent à recentrer les pratiques autour du respect des droits de l’enfant, de la bientraitance, et de l’accompagnement des familles.
- La Convention internationale des droits de l’enfant (1989) qui affirme le droit de chaque enfant à un développement harmonieux dans un environnement protecteur
- La conférence de consensus de 2017, qui définit les besoins fondamentaux de l’enfant, comme la sécurité affective, la santé ou le lien social
- La Charte nationale de l’accueil du jeune enfant (2021) dont le référentiel est la déclinaison opérationnelle
- La loi du 10 juillet 2019 interdisant les violences éducatives ordinaires
- La loi du 7 février 2022, qui élargit la notion de maltraitance à ses formes institutionnelles
- Les recommandations du projet des 1 000 premiers jours, du Haut Conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge (HCFEA) et de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS).
Une construction collaborative, issue du terrain
Ce guide national de la qualité d’accueil n’est pas un outil descendant. Il a été coconstruit avec les professionnels et les institutions de la petite enfance, selon une démarche participative :
- Un comité scientifique pluridisciplinaire (psychologues, pédiatres, sociologues…) a assuré la cohérence du contenu
- Sept groupes de travail, réunissant près de 200 acteurs de terrain (éducateurs, gestionnaires, élus, parents), ont élaboré les orientations à partir d’un premier brouillon
- Près de 2 000 professionnels ont testé la version préliminaire sur le terrain, pour évaluer sa clarté et sa faisabilité
- Une relecture collégiale a permis d’ajuster le texte avant sa publication.
Des objectifs concrets pour améliorer les pratiques
Ce cadre d’accompagnement des professionnels vise à harmoniser et améliorer les pratiques sur trois dimensions clés :
- La qualité de la relation à l’enfant : instaurer une sécurité affective, soutenir l’exploration, respecter le rythme de développement
- La qualité de la relation aux parents : construire une alliance éducative, informer sans juger, reconnaître leur place dans l’accueil
- La qualité organisationnelle : sécuriser les professionnels, prévenir les maltraitances, garantir une continuité éducative.
À qui s’adresse ce référentiel qualité ?
Ce référentiel national est conçu pour être transversal : il s’adresse à l’ensemble des acteurs concernés par l’accueil des enfants de 0 à 3 ans.
Il peut être utilisé comme outil de pilotage, support de formation ou, ou référent pour les pratiques de terrain.
- Professionnels de la petite enfance : éducateurs de jeunes enfants, auxiliaires de puériculture, assistants maternels, gardes à domicile, responsables de structures
- Structures d’accueil : crèches, micro-crèches, maisons d’assistants maternels (MAM), crèches familiales
- Familles : pour mieux comprendre les principes éducatifs en jeu, dialoguer avec les équipes, et trouver leur place dans l’accueil
- Gestionnaires et encadrants : pour développer une culture qualité partagée au sein des équipes
- Institutions publiques : CAF, PMI, collectivités locales, inspection, services départementaux ;
- Formateurs, chercheurs et acteurs de la formation initiale ou continue.
L’objectif : fédérer tous les acteurs autour d’un langage commun, fondé sur la bientraitance, la coéducation et le respect du développement de l’enfant.
Décrypter la relation au jeune enfant : le cœur du cadre qualité
Le premier pilier du cadre national pour l’accueil du jeune enfant concerne la relation quotidienne entre l’adulte et l’enfant. C’est elle qui fonde un accueil sécurisant, bienveillant et respectueux du développement global du tout-petit.
Dans cette première partie, le référentiel identifie les gestes essentiels pour offrir à chaque enfant une présence stable, une attention individualisée et un accompagnement bienveillant.
Sécuriser l’enfant par une présence empathique
Un enfant ne peut pas bien grandir sans sécurité affective. Le référentiel insiste sur l’importance d’un lien stable et chaleureux entre l’enfant et les adultes qui l’accueillent.
Cela implique :
- Une présence physique et émotionnelle attentive de l’adulte (regard, voix douce, portage, écoute…)
- Une relation individualisée, même dans un accueil collectif
- Des repères stables, des routines, des lieux familiers, des visages connus.
📘Fiches concernées du référentiel : besoins fondamentaux, familiarisation, référence, observation professionnelle.
Accompagner les émotions et les comportements
Le jeune enfant ne sait pas encore réguler ses émotions seul. Il a besoin qu’on accueille ses affects avec bienveillance, sans jugement ni sanction. Le document recommande :
- D’accueillir toutes les émotions (colère, tristesse, joie…) sans jugement ni punition
- De nommer ce que l’enfant ressent, pour l’aider à comprendre
- De ne jamais forcer un enfant à se calmer ou à dormir
- De rester disponible même face à des comportements intenses (pleurs, agitation…).
À retenir : les comportements dits « difficiles » ne sont jamais des caprices, mais des signaux de détresse ou de besoin.
📘Fiches concernées du référentiel : émotions de l’enfant, pleurs, comportements préoccupants, langage.

Poser un cadre sécurisant sans punir
Le cadre éducatif ne doit pas réprimer, mais sécuriser l’enfant. Il aide à comprendre les règles du vivre-ensemble tout en respectant son développement. Les bonnes pratiques issues du référentiel :
- Poser des interdits clairs, calmes, expliqués (sans cris ni isolement)
- Pratiquer le renforcement positif plutôt que de souligner les erreurs
- Réinterroger régulièrement les règles : sont-elles adaptées à l’enfant, à l’équipe, au lieu ?
📘Fiches concernées du référentiel : cadre, repères et interdits.
Encourager le jeu, l’exploration et l’autonomie
Le jeu est la principale activité de l’enfant. C’est à travers lui qu’il découvre le monde, développe ses compétences et construit sa confiance. Le cadre qualité recommande de :
- Laisser l’enfant explorer librement, sans interdire systématiquement
- Proposer des jeux ouverts et du matériel varié (objets du quotidien, textures…)
- Aménager des espaces modulables, propices au mouvement, à l’autonomie et à la nature
- Accepter le désordre, la salissure, la répétition comme parties prenantes de l’apprentissage.
📘Fiches concernées du référentiel : jeu, variété environnementale, arts et cultures, sorties extérieures.
Accompagner les soins dans la douceur et le respect
Les temps de soin sont des moments de relation privilégiée. Ils doivent respecter le corps, le rythme et l’intimité de l’enfant.
Le cadre national préconise :
- De ne jamais forcer un enfant à dormir, manger ou aller aux toilettes
- D’assurer une intimité et un accompagnement progressif de l’autonomie
- De verbaliser chaque geste de soin pour soutenir la compréhension
- D’utiliser les doudous ou tétines comme soutiens affectifs, jamais comme objets de contrôle.
📘Fiches concernées du référentiel : sommeil, alimentation, change et continence, pudeur, doudous et tétines.
Mieux accueillir les parents : un pilier du cadre qualité
Accueillir un jeune enfant, c’est accueillir toute sa famille. Dans sa partie 2, le cadre national de la qualité d’accueil insiste sur l’importance d’une relation ouverte, respectueuse et collaborative avec les parents, quel que soit leur contexte.
Cette alliance de confiance est bénéfique à tous : elle renforce la sécurité affective de l’enfant, valorise le rôle éducatif des parents, et soutient les professionnels dans leur mission.
Le référentiel qualité petite enfance identifie quatre leviers pour construire cette coopération : l’inclusion, l’écoute, la communication et l’accompagnement.
Inclure les parents dans la vie du lieu d’accueil
La familiarisation ne concerne pas seulement l’enfant : elle implique les parents. Ils doivent se sentir accueillis comme partenaires de l’équipe, dès les premiers échanges… et tout au long de l’accueil.
Les bonnes pratiques recommandées :
- Organiser des temps de présence parent/enfant dans le lieu d’accueil, même après la période d’adaptation
- Ouvrir les portes du lieu d’accueil : visites, observations, participation ponctuelle ;
- Créer des espaces accueillants pour les parents (coin détente, affichage, confidentialité…)
- Co-construire un projet d’accueil personnalisé, en lien avec les habitudes et besoins de la famille.
📘Fiches concernées du référentiel : familiarisation, accès au lieu d’accueil, projet d’accueil personnalisé.
Écouter sans juger et adapter les pratiques
Le guide national des bonnes pratiques d’accueil encourage une posture d’écoute active et non-jugeante. Les parents restent les premiers éducateurs de leur enfant.
L’enjeu : créer une coéducation respectueuse, même en cas de désaccords. Cela implique :
- Accueillir les valeurs et pratiques familiales sans imposer un modèle unique
- Proposer des accommodements raisonnables quand cela est possible (allaitement, portage…)
- Refuser ce qui va à l’encontre de l’intérêt de l’enfant, tout en expliquant calmement pourquoi
- Bannir les remarques dévalorisantes, y compris en l’absence des parents.
📘Fiches concernées du référentiel : jugement et non-jugement, pratiques parentales, inclusion.

Favoriser une communication ouverte et régulière
La communication avec les familles ne se limite pas aux transmissions du soir. Elle se construit dans la durée, dans des échanges de qualité, où chaque parent se sent écouté et légitime.
À privilégier :
- Partager régulièrement des observations fines sur l’enfant (développement, émotions, comportements…)
- Planifier des entretiens de suivi avec chaque famille
- Offrir des temps pour observer l’enfant en action, et pas seulement pour écouter un résumé
- Veiller à une communication non genrée et inclusive : les pères sont autant concernés que les mères.
📘Fiches concernées du référentiel : communication avec les parents, observation, émotions.
Soutenir la parentalité, même en situation complexe
Le lieu d’accueil est aussi un espace ressource pour les parents. Il peut accompagner, informer, rassurer… sans jamais se substituer. Le référentiel national recommande notamment :
- D’informer sans culpabiliser, en s’appuyant sur les besoins réels des enfants
- D’organiser des temps d’échange et de soutien (cafés des parents, groupes de parole…)
- De valoriser les compétences parentales, même modestes ou invisibles
- D’être présent auprès des familles en situation complexe : séparation, handicap, précarité, protection de l’enfance…
📘Fiches concernées du référentiel : accompagnement à la parentalité, inclusion, repérage précoce, enfants protégés.
Organiser un accueil durable : les fondations de la qualité
La qualité de l’accueil ne repose pas uniquement sur l’attention portée à l’enfant ou à sa famille. Elle dépend aussi de tout ce qui structure l’environnement de travail : organisation interne, conditions matérielles, encadrement, gouvernance…
Le cadre national pour la qualité des modes d’accueil insiste sur ce point : pour bien s’occuper des enfants, il faut aussi prendre soin des professionnels.
Cette dernière partie 3 du référentiel identifie six leviers pour garantir un fonctionnement stable, responsable et bienveillant.
Une gouvernance engagée, du national au local
L’amélioration continue de la qualité d’accueil s’appuie sur une organisation institutionnelle claire et coordonnée, à tous les niveaux :
- Au niveau national, le ministère de l’Enfance pilote la stratégie qualité, anime les réseaux et met à jour régulièrement le référentiel
- Au niveau départemental, le CDSF (Comité départemental des services aux familles) coordonne les actions, suit les besoins locaux, et soutient la formation et les recrutements
- Au niveau local, les communes et intercommunalités assurent un soutien direct à la qualité, notamment via les relais petite enfance (RPE), les PMI, et les projets éducatifs de territoire.
📘Fiches concernées du référentiel : principes de la politique qualité au niveau institutionnel.
Prévenir toutes les formes de maltraitance
Le référentiel qualité petite enfance fait de la prévention de la maltraitance une priorité, en élargissant la vigilance aux violences invisibles ou institutionnelles. Cela concerne à la fois :
- Les violences intrafamiliales, repérées grâce aux échanges avec les parents et aux observations fines
- Et les maltraitances institutionnelles, parfois banalisées : cris, punitions, isolement, non-respect du rythme de l’enfant…
Bonnes pratiques recommandées :
- Des protocoles clairs en cas de suspicion
- Une formation ciblée des équipes sur les signes d’alerte
- La mise en place de temps de parole et d’analyse de pratiques pour prévenir l’épuisement.
📘Fiches concernées du référentiel : prévention de la maltraitance intrafamiliale et institutionnelle.