Nos articles de blog

Prévention et traitement de la violence en ESSMS : quelles bonnes pratiques ?

Gregory Cousyn

May 22, 2025

Temps de lecture :

7 minutes

Une personne assise, lève sa main droite avec les doigts écartés devant son visage pour se protéger, une autre personne s’avance le poing levé devant elle.
Médico-social / Social

La violence en ESSMS n’est jamais anodine. Qu’elle soit physique, verbale, psychologique ou plus diffuse, elle fragilise les personnes accompagnées, désorganise les équipes et impacte la qualité du vivre-ensemble.

Face à cette réalité, comment prévenir ? Comment réagir avec justesse ? Et surtout, comment construire un cadre collectif plus apaisé et sécurisant ?

Cet article vous propose des repères concrets, nourris du référentiel HAS et des principes de bientraitance, pour prévenir, détecter et accompagner chaque situation avec éthique et discernement.

Définir la violence : un socle commun avec la notion de maltraitance

La violence, dans le contexte des ESSMS, ne se limite pas aux agressions visibles. Elle recouvre un ensemble de comportements, d’attitudes ou d’omissions qui peuvent porter atteinte à la dignité, à l’intégrité ou à la sécurité des personnes accompagnées.

Une définition institutionnelle de référence

En 1987, le Conseil de l’Europe a posé une définition structurante de la violence, entendue comme une forme de maltraitance. Il la décrit comme :

« tout acte ou omission commis par une personne, s’il porte atteinte à la vie, à l’intégrité corporelle ou psychique ou à la liberté d’une autre personne ou compromet gravement le développement de sa personnalité et/ou nuit à sa sécurité financière. »

Cette définition insiste sur le fait que la violence ne réside pas uniquement dans les actes visibles, mais peut aussi résulter de ce qui n’est pas fait — les omissions —, si cela cause un dommage.

Les sept formes de violences

En 1992, le Conseil de l’Europe a complété cette définition par une classification des violences, ou actes de maltraitance, selon sept grandes catégories :

  • Violences physiques : coups, brûlures, ligotages, soins imposés ou non expliqués, privation de besoins fondamentaux, violences sexuelles, voire meurtres (incluant l’euthanasie non encadrée).

  • Violences psychologiques ou morales : propos dévalorisants, chantage, menaces, abus d’autorité, infantilisation, non-respect de l’intimité, injonctions paradoxales…

  • Violences matérielles et financières : vols, demandes de pourboires, détournements, escroqueries, hébergements ou locaux inadaptés.

  • Violences médicales ou médicamenteuses : traitements sans information préalable, abus de sédatifs ou neuroleptiques, défaut de prise en charge de la douleur ou de rééducation, refus de soins essentiels…

  • Négligences actives : abandon volontaire, manquements assumés aux besoins de la personne, actes réalisés en conscience de leur nocivité.

  • Négligences passives : ignorance, inattention, défaut de vigilance non intentionnel mais aux conséquences réelles.

  • Privations ou violations de droits : restrictions injustifiées de la liberté d’aller et venir, impossibilité d’exercer ses droits civiques ou de pratiquer sa religion.

Violence ou maltraitance : des notions qui se rejoignent

Cette classification révèle que violence et maltraitance recouvrent des réalités très proches : intentionnelle ou non, visible ou invisible, directe ou indirecte, toute atteinte à la personne accompagnée, à ses droits ou à sa dignité relève d’une forme de violence. 

C’est pourquoi, dans les pratiques professionnelles comme dans les projets d’établissement, il est indispensable de penser la prévention de la violence dans une logique plus large de prévention de la maltraitance.

Prévenir et traiter la violence en ESSMS : un enjeu central dans le référentiel HAS

On l’a vu, la frontière entre violence et maltraitance est ténue. Cette proximité s’exprime clairement dans le référentiel d’évaluation de la Haute Autorité de Santé, où la violence est abordée comme un risque à prévenir, à détecter et à traiter — au même titre que la maltraitance.

La thématique est inscrite dans le chapitre 3 : Démarche qualité et gestion des risques, et fait l’objet de deux critères impératifs et d’un critère standard via cet objectif :

Objectif 3.11 – Définir et mettre en œuvre un plan de prévention des risques de maltraitance et de violence

L’ESSMS doit être en mesure de démontrer qu’il a construit, avec les professionnels, une démarche structurée pour identifier les risques, prévenir les violences, les traiter et sensibiliser l’ensemble des équipes.

Critère impératif 3.11.1 – Définir un plan de prévention et de gestion

Ce critère exige que l’établissement :

  • identifie les situations à risque pouvant générer des actes de violence ou de maltraitance,
  • formalise un plan de prévention et de gestion adapté à ces risques.

Preuves attendues : documents décrivant la démarche (plan, procédures, comptes rendus de réunions, protocoles d’alerte…).

Critère impératif 3.11.2 – Traiter les signalements et mettre en œuvre des actions correctives

Il ne suffit pas de prévenir : lorsqu’un acte de violence ou de maltraitance est signalé, l’ESSMS doit :

  • Analyser les faits
  • Mettre en place des actions correctrices concrètes.

Preuves attendues : fiches de signalement, plans d’action, suivi des mesures mises en œuvre.

Critère standard  3.11.3 – Sensibiliser et former les professionnels

Enfin, un établissement ne peut agir efficacement que si ses équipes sont :

  • formées à la détection et au signalement des faits
  • régulièrement sensibilisées à ces enjeux.

Preuves attendues : plans de formation, feuilles d’émargement, ressources pédagogiques, supports ou modalités d’accès.

Quel plan d’actions pour prévenir et traiter la violence en ESSMS ?

Prévenir la violence, c’est protéger, écouter et agir avec cohérence. Cette partie propose des repères concrets pour instaurer un cadre sécurisant et respectueux pour tous, au quotidien.

Définir un cadre clair : politique de prévention et plan d’actions

Objectif : poser les fondations d’une démarche cohérente et partagée.

  • Rédiger une politique de prévention de la violence, intégrée au projet d’établissement.
  • Définir un plan de prévention et de gestion des risques de maltraitance et de violence, en lien avec le critère 3.11.1 du référentiel HAS.
  • Associer à cette démarche les représentants des professionnels, des usagers et des familles.
  • Créer une fiche synthèse par résident avec les signaux de vulnérabilité et les réponses adaptées.

Mettre en place les bons outils et les bons réflexes

Objectif : détecter, signaler, traiter et apprendre de chaque situation.

  • Instaurer un dispositif de signalement simple et accessible pour tous les faits de violence ou de maltraitance
  • Mettre en place une grille d’analyse des événements critiques pour objectiver les faits et orienter les actions
  • Développer un registre des incidents et en faire une base d’analyse pour les revues de direction ou comités qualité.
  • Prévoir un temps de retour sur expérience après chaque événement significatif.

Ces articles pourraient vous intéresser :

⦿ Gestion événements indésirables en médico-social : pourquoi et comment l’améliorer ?

⦿ RETEX : comment l’organiser et le mettre en place en établissement ?

Former, sensibiliser, impliquer tous les acteurs

Objectif : créer une culture partagée de la bientraitance et de la gestion non-violente des conflits.

  • Organiser des formations régulières sur la détection, le signalement et l’accompagnement (critère 3.11.3 HAS)
  • Proposer des ateliers de sensibilisation, avec des supports adaptés (FALC, jeux de rôles, vidéos…)
  • Créer des groupes de parole réguliers pour les usagers, familles et professionnels
  • Désigner un référent “prévention violence”.

Adapter les espaces, les rythmes et les pratiques du quotidien

Objectif : Réduire les tensions structurelles qui favorisent la violence.

  • Identifier les lieux et moments à risque (repas, activités collectives, regroupements)
  • Proposer des réaménagements d’espace et des organisations souples (repas décalés, petits groupes de sortie…)
  • Veiller à la bonne articulation des temps forts du quotidien pour éviter l’engorgement et l’agitation
  • Favoriser la pluralité des activités et des modes d’expression (artistique, sportive, sensorielle…).

Accompagner individuellement chaque situation de violence

Objectif : Prendre soin de toutes les personnes concernées, sans stigmatiser.

  • Appliquer des protocoles différenciés pour les victimes, les auteurs et les témoins
  • Proposer un soutien psychologique ou éducatif selon les besoins
  • Mettre en place des actions de réparation lorsqu’elles sont possibles (excuses, médiation, atelier utile…)
  • Toujours distinguer la personne de l’acte, et rechercher le sens pour adapter la réponse.

Évaluer et ajuster

  • Intégrer un indicateur “climat relationnel” dans le tableau de bord qualité
  • Réaliser des bilans annuels sur les faits de violence, les réponses apportées et les actions mises en œuvre
  • Ajuster le plan en fonction des retours terrain, des autoévaluations et des évaluations (référentiel HAS).


Violence en ESSMS : comment accompagner avec la personne avec justesse ?

Lorsqu’une personne accompagnée subit un acte de violence, l’enjeu ne se limite pas à « gérer » la situation. 

Il s’agit avant tout de protéger, de reconnaître ce qu’elle a vécu, et de l’aider à retrouver un sentiment de sécurité. L’accompagnement doit être aussi respectueux que rassurant, aussi structuré qu’humain.

Voici les étapes clés que vous pouvez mettre en œuvre.

1. Sécuriser et apaiser

  • Garder son calme pour éviter de renforcer le stress de la situation
  • Mettre la victime en sécurité, à l’écart du groupe si besoin
  • Apporter les premiers soins si nécessaire, et contacter les secours si l’état de la personne le justifie
  • Isoler la personne auteure de l’acte, sans dramatiser, mais avec clarté.

2. Écouter et recueillir la parole

  • Proposer à la personne un temps d’échange dans un cadre serein, avec un professionnel de confiance (pas impliqué dans l’incident)
  • Respecter le rythme de la personne : l’expression ne vient pas toujours immédiatement
  • Noter les éléments factuels recueillis, sans jugement, pour alimenter l’analyse de l’événement.

3. Comprendre ce qui s’est passé

  • Identifier la nature de l’agression : verbale, physique, psychologique ?
  • Noter les faits de façon neutre et factuelle, pour que les suites soient claires
  • Organiser un temps médical ou psychologique, si cela semble utile ou demandé.

4. Informer les personnes concernées

  • Si la personne n’est pas sous protection juridique : lui proposer de contacter ses proches (famille, aidants)
  • En cas de mesure de protection : informer le représentant légal
  • Prévenir la direction pour enclencher les procédures internes et organiser un accompagnement adapté.

5. Recréer un sentiment de sécurité

  • Adapter si besoin le quotidien de la personne dans les jours qui suivent (repas à l’écart, temps calme…)
  • Lui désigner un référent ou une figure de confiance pour assurer une continuité rassurante
  • Organiser un retour au collectif progressif, avec accompagnement si nécessaire.

Bonnes pratiques à intégrer

✔ Préparer les professionnels à adopter les bons gestes et postures
✔ Créer un protocole clair, connu de tous, pour les situations de violence
✔ Sensibiliser les personnes accompagnées à leurs droits et à la notion de respect mutuel
✔ Ne pas banaliser les actes violents, même s’ils sont ponctuels
✔ Toujours distinguer la personne de l’acte commis dans les réponses apportées.

Comment accompagner une personne auteure de violence en ESSMS ?

Dans un ESSMS, certaines personnes peuvent, un jour, poser un acte violent. Que ce soit un geste, une parole, une réaction impulsive… ces situations nécessitent une réponse claire, mais aussi une écoute attentive

L’objectif n’est pas de sanctionner pour sanctionner, mais d’aider la personne à comprendre, réparer, évoluer.

1. Revenir au calme, poser un cadre

  • Éloigner la personne du lieu de l’incident, sans violence ni confrontation
  • Rappeler, avec clarté, que l’acte posé est inacceptable, sans attaquer la personne elle-même
  • Si besoin, mobiliser un renfort professionnel, pour sécuriser la suite sans laisser le collègue seul.

2. Créer un espace pour comprendre

  • Accueillir la parole quand la personne est prête, sans l’obliger à parler tout de suite
  • Nommer les faits avec des mots justes, en expliquant ce que cela a provoqué pour l’autre
  • Chercher avec elle le déclencheur de la violence : peur, frustration, incompréhension, mal-être ?

3. Mettre en œuvre un suivi individualisé

  • Proposer un accompagnement éducatif ou psychologique, selon les besoins.
  • Désigner un référent de confiance, pour guider la personne dans les jours qui suivent.
  • Ne jamais confondre reconnaissance des faits et rejet de la personne.

4. Proposer des actions de réparation

  • Si la situation le permet, encourager une action de réparation : excuses, gestes symboliques, aide concrète
  • Travailler à une réparation adaptée à ses capacités et comprise 
  • En cas de dégradation, proposer un cadre de réparation encadrée (atelier, contribution, etc.).

5. Réaffirmer les règles communes

  • Revenir sur le cadre collectif, non comme une punition, mais comme une balise pour mieux vivre ensemble
  • Si une mesure est nécessaire, veiller à ce qu’elle soit : proportionnée, respectueuse de la dignité, compréhensible pour la personne

6. Prévenir pour demain

  • Avec l’équipe, analyser ce qui a pu être anticipé, mal compris ou déclenché
  • Adapter l’accompagnement au quotidien (horaires, interactions, lieux…)
  • Garder en tête que chaque crise est aussi une occasion de mieux comprendre et progresser.

Ce qu’il faut éviter

  • Banaliser ou excuser l’acte au nom de la pathologie
  • Réagir à chaud avec des propos blessants ou dévalorisants
  • Prendre des mesures punitives non proportionnées ou déconnectées du sens éducatif.

Bonnes pratiques à ancrer

✔ Respecter les droits fondamentaux de la personne, y compris dans un contexte de violence.
✔ Penser les sanctions comme des repères éducatifs, non comme des humiliations
✔ Travailler en équipe pluridisciplinaire pour ajuster les réponses.
✔ Distinguer toujours la personne de son comportement : c’est l’acte qu’on traite, pas l’identité.

Quand on voit ou entend la violence : comment accompagner les témoins avec attention ?

Dans une situation de violence, on pense d’abord à la victime… et à juste titre. Mais il ne faut pas oublier ceux qui étaient là, tout près. Les témoins – qu’ils soient résidents, professionnels ou familles – peuvent, eux aussi, être touchés, ébranlés, ou rester avec des questions non dites

Leur offrir un espace, une écoute, une explication, c’est leur permettre de retrouver un sentiment de sécurité et de confiance.

1. Identifier les témoins et reconnaître leur vécu

  • Prendre le temps de repérer toutes les personnes présentes ou impactées indirectement
  • Ne pas sous-estimer l’effet d’un événement observé ou entendu : chacun réagit différemment
  • Valider leur ressenti, même si la situation paraît "bénigne" de l’extérieur.

2. Créer un espace pour en parler

  • Proposer un temps de parole individuel ou collectif, selon ce qui convient le mieux
  • Utiliser des mots simples, adaptés à l’âge, au niveau de compréhension et aux émotions
  • Répondre aux questions, expliquer ce qui s’est passé et ce qui a été mis en place ensuite.

3. Rétablir la confiance

  • Réaffirmer les valeurs de respect, de sécurité et de droit à l’intégrité dans l’établissement
  • Si besoin, adapter temporairement l’environnement : changer de chambre, d’activité, d’espace
  • Insister sur le fait que la situation est prise au sérieux, qu’elle est traitée, et que les témoins ne sont pas seuls.

4. Accompagner les familles

  • Proposer un échange avec un référent (direction, chef de service, psychologue…) pour expliquer les faits
  • Être transparent, sans entrer dans des termes anxiogènes ou juridiques inutiles
  • Encourager la famille à exprimer son ressenti, à poser ses questions.

5. Soutenir les professionnels témoins

  • Organiser un debriefing collectif ou individuel, surtout s’il s’agit d’un événement fort
  • Ne pas laisser chacun gérer seul : la solidarité d’équipe fait aussi partie de la prévention.
  • Prévoir un accompagnement (psychologue, superviseur, directeur) si nécessaire.

Bonnes pratiques à intégrer

✔ Ne pas négliger les effets d’un incident sur l’environnement social
✔ Utiliser les temps d’échange comme des leviers de régulation collective
✔ Inclure tous les témoins concernés, même ceux qui n’ont pas exprimé de besoin immédiat
✔ Garantir la continuité de l’accompagnement, sans laisser les tensions s’installer.

Cet article sur la gestion et le traitement de la violence en ESSMS vous a intéressé.e ? Restez informé.e des actualités de votre secteur en vous abonnant à notre newsletter.

Partager l’article

Questions fréquentes

Questions fréquentes

Questions fréquentes

À propos de l’auteur

Gregory Cousyn

Grégory occupe le poste de Head of Customer Care & Quality chez Qualineo. Son parcours : ancien infirmier diplômé d’état ayant travaillé pour le Ministère des Armées, Grégory Cousyn intègre un établissement de santé où il occupait un poste de direction. Son expérience s’articule autour de l’optimisation des organisations pour développer les performances et l’activité d’un établissement, l’appui à la stratégie et la gestion de projets.