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DARECS en pratique : prévenir les brûlures par eau chaude sanitaire en ESMS

Gregory Cousyn

October 13, 2025

Temps de lecture :

6 minutes

Un robinet laisse couler de l’eau bouillante dans un évier, dégageant beaucoup de vapeur.
Médico-social / Social

DARECS : derrière cet acronyme, un outil essentiel pour prévenir les brûlures par eau chaude sanitaire dans les établissements médico-sociaux.

Introduit par la note d’information du 15 février 2019, le Document d’Analyse du Risque de brûlure par Eau Chaude Sanitaire aide les ESMS à évaluer leurs installations, sécuriser leurs points d’eau et protéger leurs usagers les plus vulnérables.

Ce risque, souvent discret, peut avoir des conséquences graves. Le DARECS permet d’agir avant qu’un accident ne survienne en structurant une démarche adaptée. Dans cet article : tout ce qu’il faut savoir pour mettre en œuvre efficacement le DARECS, de la réglementation aux actions terrain.

Comprendre le risque de brûlure par ECS

Dans les établissements médico-sociaux, le risque de brûlure par l’eau chaude sanitaire (ECS) est souvent sous-estimé alors même qu’il peut entraîner des conséquences graves, voire mortelles. 

Plusieurs décès survenus ces dernières années dans des EHPAD ou établissements pour personnes handicapées ont mis en lumière la nécessité de mieux évaluer et maîtriser ce danger.

Les caractéristiques du risque

L’eau chaude sanitaire utilisée pour la toilette ou l’hygiène peut provoquer des brûlures sévères si sa température excède un seuil de sécurité. Le niveau de gravité dépend principalement de trois facteurs :

  • La température de l’eau : au-delà de 50°C, le risque de brûlure est réel. À 60°C, cinq secondes d’exposition suffisent pour provoquer une brûlure du second degré.
  • La durée d’exposition : plus elle est longue, plus la brûlure sera profonde.
  • La résistance de la peau : celle-ci varie fortement selon les personnes. Les enfants et les personnes âgées, dont l’épaisseur de la peau est plus faible, sont particulièrement sensibles.

On distingue plusieurs niveaux de brûlure :

  • Le 1er degré (coup de soleil) atteint la couche superficielle de la peau ;
  • Le 2e degré superficiel se caractérise par des bulles (phlyctènes) douloureuses ;
  • Le 2e degré profond ou le 3e degré peuvent causer des lésions irréversibles avec perte de sensibilité, voire de vascularisation.

Le risque de brûlure est donc un danger immédiat et grave, notamment dans les établissements où les résidents ne peuvent pas réagir rapidement ou adapter eux-mêmes la température de l’eau.

Les publics les plus vulnérables

Les usagers des établissements médico-sociaux, qu’il s’agisse de personnes âgées ou de personnes en situation de handicap, sont particulièrement exposés. Plusieurs raisons expliquent cette vulnérabilité :

  • La diminution de l’autonomie physique : troubles moteurs, usage de fauteuils roulants, troubles de l’équilibre, etc.
  • Les déficiences cognitives ou psychiques : confusion, démence, Alzheimer, troubles psychiatriques...
  • Les troubles sensoriels : perte de la sensibilité au chaud, absence de réaction réflexe, cécité, etc.
  • La dépendance aux professionnels pour la toilette : qui peut conduire à des maladresses ou des oublis dans le réglage des températures.

À noter que certains accidents sont aussi liés à des comportements involontaires (chute dans une baignoire, ouverture soudaine du robinet d’eau chaude, manipulation par erreur…) ou à des situations de solitude dans la salle de bain.

Enfin, des facteurs environnementaux aggravants peuvent intervenir : 

  • installations vétustes
  • absence de dispositifs de sécurité
  • défaut de maintenance
  • ou mauvaise connaissance des risques par les équipes.

DARECS : cadre réglementaire et obligations des établissements 

Les établissements médico-sociaux sont légalement tenus d’assurer la sécurité de leurs usagers face aux risques liés à l’eau chaude sanitaire. La réglementation ne crée pas une nouvelle obligation avec le DARECS, mais elle rappelle les exigences existantes, ainsi que la responsabilité des gestionnaires dans la prévention du risque de brûlure.

Textes de référence à connaître

Le socle réglementaire s’appuie sur plusieurs textes clefs :

  • L’arrêté du 30 novembre 2005 modifié, qui fixe les températures à respecter dans les installations de production et de distribution d’ECS.
  • L’arrêté du 1er février 2010, relatif à la surveillance des légionelles dans les réseaux d’eau chaude (ce texte influence indirectement la prévention des brûlures car il implique le maintien d’une température minimale élevée).
  • La note d’information n° DGCS/SPA/DGS/EA4/2019/38 du 15 février 2019, qui appelle explicitement à la mise en place d’une démarche d’analyse des risques de brûlure via le DARECS.

D’autres textes comme le décret du 21 décembre 2016 sur les événements indésirables et l’arrêté du 28 décembre 2016 sur le signalement s’appliquent en cas d’incident.

Ces références donnent un cadre clair : il ne s’agit pas de nouvelles obligations, mais de rappels fondamentaux pour éviter des situations à risque.

Exigences de température : des seuils à respecter

La réglementation impose des consignes de température précises à chaque niveau du circuit d’eau chaude sanitaire :

  • Production et stockage ≥ 55°C en continu, ou élévation ≥ 60°C quotidienne
  • Distribution réseau ≥ 50°C minimum
  • Points d’usage pour la toilette ≤ 50°C (voire ≤ 38°C en EMS)

Le non-respect de ces températures expose les usagers à un double risque : brûlure immédiate si l’eau est trop chaude, prolifération de légionelles si elle est insuffisamment chaude dans le réseau.

L’équilibre est donc délicat à maintenir, et justifie l’installation de robinetteries sécurisées (mitigeurs avec butée à 38 °C, dispositif d’arrêt en cas de coupure d’eau froide, etc.).

Des points d’attention à ne pas négliger

La réglementation ne s’applique pas seulement aux douches et lavabos. D’autres postes d’eau chaude à risque doivent également être pris en compte, même s’ils ne sont pas directement liés à la toilette :

  • Éviers de cuisine ou de plonge 
  • Postes de lavage des mains dans les zones de stockage ou de déchets 
  • Lavabos accessibles au personnel ou au public.

Points de vigilance

Si la température à ces postes dépasse les 40 °C, ils doivent être identifiés comme postes à risque dans le DUERP (Document Unique d’Évaluation des Risques Professionnels).

Enfin, toute modification du réseau (exemple. : condamnation d’un poste non conforme) doit se faire avec prudence : cela peut créer des bras morts favorables à la stagnation de l’eau et donc à d’autres risques sanitaires. 

Il est souvent préférable de remplacer le matériel plutôt que de supprimer l’usage du point d’eau.

Le DARECS : une démarche structurée de prévention

Le DARECS – Document d’Analyse du Risque de Brûlure par l’Eau Chaude Sanitaire – est un outil conçu pour aider les établissements à évaluer objectivement leur exposition au risque et à planifier les actions correctrices nécessaires. 

Il ne s’agit pas d’un simple formulaire, mais d’une démarche rigoureuse, progressive et adaptable, fondée sur les principes de la norme ISO 31000 (management des risques).

Un outil d’analyse des risques

La formalisation du DARECS n’est pas imposée sous une forme unique. Chaque établissement peut l’adapter à sa taille, son niveau de risque, ses ressources. Ce qui est attendu, c’est une analyse concrète et contextualisée du risque de brûlure lié à l’eau chaude, et non une réponse formelle.

Le DARECS :

  • Est interne à l’établissement (non transmis à l’ARS) ;
  • Doit être mis à jour régulièrement, notamment après un incident ou une modification d’installation ;
  • Sert à documenter les choix techniques et organisationnels (équipements, protocoles, information…).

C’est donc un outil opérationnel qui structure la prévention.

Un cadre organisationnel clair

Pour que le DARECS ne reste pas un document théorique, il repose sur une organisation en trois niveaux :

  1. Un responsable désigné, chargé de piloter la démarche (souvent le responsable technique ou le cadre de santé) 
  2. Un comité de suivi, regroupant a minima la direction, le responsable de la démarche et le responsable technique 
  3. Des points de suivi réguliers pour mettre à jour les constats et ajuster les actions.

Ce dispositif permet de faire vivre la démarche, d’impliquer les acteurs clés, et d’ancrer la prévention dans la culture de l’établissement.

Une grille d’autoévaluation en 10 points

Le cœur du DARECS repose sur une série de questions structurées qui permettent d’analyser les facteurs de risque. Cette grille en 10 points, simple, mais précise, interroge :

  1. L’identification du risque par les professionnels et résidents autonomes 
  2. L’existence de plaintes, signalements ou incidents liés à la température 
  3. La conformité des installations (température, équipements, maintenance) 
  4. L’état des pièces d’eau : équipements de sécurité, signalétique, environnement 
  5. La présence de postes non sécurisés en dehors des zones de toilette 
  6. La facilité de réglage de la température sur chaque poste 
  7. L’information des professionnels et des usagers sur les dispositifs de sécurité 
  8. La présence d’un protocole d’entretien et de vérification des équipements 
  9. La gestion des situations spécifiques (balnéothérapie, soins particuliers) 
  10. La connaissance des conduites à tenir en cas de brûlure (avec affichage éventuel).

Ces questions sont souvent accompagnées de pistes de réponses concrètes ou de check-lists, facilitant l’appropriation du DARECS même dans les structures de petite taille.

Un diagnostic global au service de l’action

L’objectif du DARECS est de déboucher sur une évaluation du niveau de risque, puis sur un plan d’actions priorisées. Il ne s’agit pas de tout faire en une fois, mais de :

  • Identifier les urgences 
  • Planifier les mises en conformité 
  • Former et sensibiliser 
  • Mettre à jour les protocoles et le DUERP si nécessaire.

Le DARECS peut être intégré dans la démarche qualité ou sécurité de l’établissement et vient renforcer la maîtrise globale des risques sanitaires et techniques.

Mise en œuvre des actions de prévention

Une fois l’analyse des risques menée via le DARECS, l’étape suivante consiste à mettre en œuvre les actions concrètes pour éliminer, réduire ou maîtriser les risques identifiés. 

Ces actions peuvent être techniques, organisationnelles, humaines… et doivent toujours être adaptées au contexte de l’établissement et au degré de vulnérabilité des usagers.

Mesures techniques : sécuriser les équipements et les installations

Les installations d’eau chaude sanitaire doivent être conçues et entretenues de manière à empêcher toute brûlure accidentelle. Pour cela, plusieurs équipements et aménagements sont recommandés, voire indispensables :

  • Mitigeurs thermostatiques avec butée de sécurité : réglés par défaut à 38°C, ils empêchent le dépassement de température sauf action volontaire.
  • Dispositifs d’arrêt automatique de l’ECS en cas de coupure d’eau froide, pour éviter que seule de l’eau brûlante ne sorte.
  • Aucun mitigeage centralisé : cette technologie est proscrite, car elle favorise les stagnations et les échanges ECS/EFS, sources de développement bactérien et de déséquilibres thermiques.
  • Réglage du débit : le débit d’eau chaude doit être adapté à la capacité d’évacuation des vasques pour éviter tout débordement dangereux.
  • Postes de distribution identifiés : tous les points d’eau à risque (cuisine, buanderie, poste de lavage…) doivent être répertoriés, sécurisés et intégrés dans le DUERP.

En cas d’impossibilité d’intervenir immédiatement sur un point non conforme, des solutions transitoires peuvent être mises en place : vanne quart de tour, condamnation temporaire accompagnée d’une purge régulière, mise en sécurité de la robinetterie, etc.

Mesures organisationnelles : structurer, tracer et informer

Une bonne organisation permet de rendre les mesures techniques réellement efficaces dans la durée. Cela passe par :

  • Un protocole de surveillance des températures, à fréquence au minimum mensuelle, avec relevés systématiques des températures aux points d’usage et consignation dans le carnet sanitaire.
  • Un plan d’entretien préventif des équipements de robinetterie, conformément aux recommandations des fabricants.
  • Des procédures d’urgence connues : que faire en cas de brûlure ? Les conduites à tenir doivent être affichées dans les zones sensibles, les soignants doivent y être formés.
  • Un affichage de prévention dans les salles de bains, notamment sous forme de pictogrammes, à proximité des postes d’eau susceptibles de dépasser les 40 °C.

Ces mesures renforcent la traçabilité, facilitent les contrôles internes ou externes, et permettent d’anticiper les non-conformités.

Sensibilisation des professionnels, des usagers et des familles

La prévention passe aussi par l’implication humaine. Informer et former permet d’ancrer les bons réflexes et d’éviter les comportements à risque.

  • Les professionnels (soignants, agents d’entretien, intervenants extérieurs) doivent être sensibilisés aux risques spécifiques liés à l’ECS : vérification des températures, signalement des dysfonctionnements, surveillance des usagers vulnérables.
  • Les résidents ou usagers autonomes doivent être informés du risque de brûlure et savoir comment utiliser les robinets sécurisés. Des outils en langage FALC ou visuel peuvent être utilisés.
  • Les familles et représentants légaux peuvent être associés à la démarche lors des réunions de Conseil de la Vie Sociale, par des campagnes d’information, ou via le livret d’accueil.

Cas spécifiques : balnéothérapie et points hors toilette

Certains contextes nécessitent une attention renforcée :

  • Séances de balnéothérapie : la température de l’eau doit être vérifiée avant chaque séance, et les robinets sécurisés ou inaccessibles à l’usager. Une procédure spécifique doit encadrer la préparation de la séance (vérification, accompagnement, surveillance).
  • Postes hors toilette : les points d’eau en cuisine, en zones de déchets ou dans les salles de soins peuvent représenter un danger. Ils doivent être identifiés, si possible équipés d’un dispositif de sécurité, ou inaccessibles au public.

Gérer les incidents et capitaliser les retours d’expérience

Même avec une prévention efficace, le risque zéro n’existe pas. Il est donc indispensable que chaque établissement soit préparé à réagir en cas d’incident, et à tirer les enseignements de ces événements pour renforcer durablement la sécurité.

En cas de brûlure : réagir vite et de manière structurée

Lorsqu’une brûlure par eau chaude survient, la rapidité et la clarté des gestes de premiers secours sont déterminantes pour limiter les conséquences. Chaque établissement doit disposer :

  • D’une procédure affichée à proximité des zones à risque (salle de bain, balnéo, buanderie...) indiquant les conduites à tenir en cas de brûlure 
  • De matériel de premiers soins disponible et en bon état (eau froide, pansements stériles, trousse de secours, etc.) 
  • D’une procédure de signalement immédiat à l’encadrement, avec remontée d'information au référent sécurité ou à la direction.

Point de vigilance

En cas de blessure grave ou de suspicion de négligence, un signalement d’événement indésirable grave (EIG) doit être réalisé, selon le cadre prévu par les textes réglementaires (décret du 21 décembre 2016 et instruction du 17 février 2017).

Retour d’expérience : apprendre de chaque situation

Lorsqu’un incident survient – qu’il soit bénin, grave ou même évité de justesse – il doit faire l’objet d’un retour d’expérience structuré, dans une logique d’amélioration continue.

Cela suppose :

  • Une analyse des causes : dysfonctionnement matériel, erreur humaine, absence de dispositif, mauvaise appréciation de la situation...
  • La mise en place d’actions correctrices : remplacement d’équipements, renforcement de la formation, modification des procédures.
  • La mise à jour du DARECS, du DUERP et des protocoles concernés.
  • Une communication claire en CVS, ou lors des réunions d’équipe ou de direction, sur les enseignements tirés et les décisions prises.

Même les incidents évités ("presqu’accidents") sont des opportunités de progrès. Le signalement volontaire de ces événements par les professionnels doit être encouragé dans une culture de sécurité non punitive.

Traçabilité et preuves de vigilance

Enfin, les établissements doivent pouvoir démontrer leur niveau de vigilance et de maîtrise du risque :

  • Les relevés de température doivent être archivés et accessibles, dans le carnet sanitaire.
  • Les formations, procédures, consignes affichées, comptes-rendus de comité de suivi DARECS, interventions techniques doivent être tracés et datés.
  • Les réclamations ou observations des familles (exemple via le CVS) doivent faire l’objet d’un suivi formalisé.

Cette documentation permet, en cas de contrôle, d’attester que le risque a bien été identifié, évalué et traité, conformément aux obligations du gestionnaire.

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À propos de l’auteur

Gregory Cousyn

Grégory occupe le poste de Head of Customer Care & Quality chez Qualineo. Son parcours : ancien infirmier diplômé d’état ayant travaillé pour le Ministère des Armées, Grégory Cousyn intègre un établissement de santé où il occupait un poste de direction. Son expérience s’articule autour de l’optimisation des organisations pour développer les performances et l’activité d’un établissement, l’appui à la stratégie et la gestion de projets.