Prendre la direction d’un établissement social ou médico-social, c’est un peu comme embarquer sur un navire en pleine mer sans avoir encore lu la carte.
Vous arrivez, on vous confie les clés, l’équipe vous attend, les familles vous observent, l’ARS vous surveille. Et vous ? Vous devez agir vite, sans forcément tout connaître.
Par quoi commencer ? Que faut-il absolument vérifier les premières semaines ? Dans cet article, découvrez une méthode inspirée des contrôles ARS et de l’expérience vécue sur le terrain, pour prendre en main un établissement ESSMS étape par étape.
Identifier les caractéristiques clés de l’établissement
Avant de parler d’organisation, un nouveau directeur doit comprendre les fondations de son établissement. Ce diagnostic de base donne les repères structurels et réglementaires nécessaires pour prendre des décisions éclairées dès les premières semaines.
Statut, cadre juridique et options tarifaires
Commencer par identifier les éléments de contexte :
- Quel est le statut juridique de la structure ? (public, privé, associatif)
- Quelle est l’option tarifaire choisie : globale ou partielle ?
- Disposez-vous d’une Pharmacie à Usage Intérieur (PUI) ou d’un partenariat avec une officine de ville ?
Capacité d’accueil réelle versus autorisée
Il ne suffit pas de savoir combien de lits sont autorisés : il faut savoir combien sont réellement opérationnels aujourd’hui.
- Combien de places en hébergement permanent ?
- En hébergement temporaire, PASA, UHR, ou accueil de jour ?
- Y a-t-il des places habilitées à l’aide sociale, et en quelle proportion ?
Le niveau de dépendance : GMP et PMP
Les deux indicateurs-clés à vérifier :
- Le GMP (Groupe Iso-Ressources Moyen Pondéré), indicateur du niveau de dépendance physique
- Le PMP (Pathos Moyen Pondéré), qui reflète la charge en soins médicaux
Ce qu’un nouveau directeur doit aussi regarder
- Quelle est la situation géographique : isolée ? en tension démographique ? en zone de désert médical ?
- Y a-t-il un bilan financier à jour ? Un niveau d’endettement ou de fragilité identifié ?
- Comment se porte le climat social global (turnover, absentéisme, conflits, dialogue social…) ?
- Le CPOM est-il en cours ? À renouveler ? Respecté dans ses objectifs ?
En résumé
Cette première étape donne une photographie réaliste de l’établissement. Elle permet aussi de positionner vos priorités : régulariser une situation administrative, mobiliser les ressources pour une unité fermée, ou anticiper des changements dans le contrat pluriannuel.
Conseil :
Regroupez toutes ces données dans un tableau de bord dès votre première semaine. Ce sera votre boussole pour les mois à venir.
Évaluer les ressources humaines
Pour un nouveau directeur, évaluer les ressources humaines consiste à comprendre comment les professionnels travaillent, vivent leur mission, et sont accompagnés au quotidien.
Les effectifs et l’organisation du travail
Commencer par dresser un état des lieux :
- Quel est le nombre de professionnels présents par métier et par unité ?
- Comment s’organisent les horaires, coupures, temps partiels ?
- Existe-t-il un document formalisé pour la gestion des plannings et des absences ?
- Quelles sont les procédures en cas d’absentéisme soudain ? (rappel de personnel, vacataires, intérim, mode dégradé)
La formation, levier clé de fidélisation
La formation est un bon indicateur du climat social et de la dynamique d’amélioration continue :
- Un plan de formation externe est-il en cours d’exécution ? Existe-t-il un plan pour l’année suivante ?
- Y a-t-il un calendrier de formations internes, avec des temps réguliers de transmission et d’échange ?
- Les émargements et supports pédagogiques sont-ils bien archivés ?
Ce qu’un directeur doit aussi observer de près
- Le climat social général : écoutez les signaux faibles (turnover, arrêts maladie, rumeurs)
- La présence managériale : les cadres sont-ils visibles, soutenant, proches du terrain ?
- Le degré d’autonomie et de coconstruction dans l’équipe : un bon management repose sur des procédures, mais aussi sur la capacité des équipes à se réorganiser ensemble.
En résumé :
Les ressources humaines ne sont pas qu’un tableau Excel. C’est le cœur battant de votre établissement.
Conseils
En tant que directeur, votre première mission est de sécuriser les fondamentaux (plannings, absences, formations) tout en créant un climat de confiance et de reconnaissance.
Gouvernance et pilotage : les bases sont-elles solides ?
Quand on prend la direction d’un ESSMS, évaluer la gouvernance, c’est vérifier que tout ce qui soutient l’établissement est bien en place : organisation, documentation, pilotage, relations institutionnelles.
Direction : vérifier la légitimité et la lisibilité du pilotage
Commencer par les bases :
- L’organigramme est-il à jour, diffusé, compris des équipes ?
- Votre contrat de travail ou arrêté de nomination est-il conforme ?
- Disposez-vous d’un Document Unique de Délégation (DUD) pour exercer vos responsabilités ?
- Un calendrier d’astreinte est-il formalisé, partagé et opérationnel ?
Fonctionnement institutionnel : les documents qui donnent le cap
Vérifier si les documents suivants existent, sont à jour et réellement utilisés :
- Le projet d’établissement : il doit refléter la réalité du terrain, et non un copier-coller administratif.
- Le règlement de fonctionnement : clair, accessible, appliqué.
- Le livret d’accueil et les contrats de séjour (signés !), avec des modalités précises pour les personnes sous tutelle ou non capables.
- Les instances de participation : Conseil de la Vie Sociale (CVS) : 3 derniers comptes-rendus + rapport annuel, Commission de Coordination Gériatrique : règlement intérieur et dernier compte rendu.
Médecin coordonnateur et IDEC
Ils assurent la coordination des soins au quotidien. Il s’agit de vérifier :
- Diplômes et contrats (incluant les ETP, fonctions exactes, responsabilités)
- Pour le médecin coordonnateur : la mise en œuvre des 12 missions légales (article D. 312-158 du CASF)
- Pour l’IDEC ou cadre de santé : présence effective, position dans l’organigramme, rôle dans l’équipe d’encadrement